Au gré des jours

avoir modérément apprécié une remarque de Lévi-Strauss à son propos : "Vous avez un esprit d'homme" tout en sachant qu'il y voyait un compliment, mais avoir révéré et aimé cet homme au sage regard d'éléphante matriarche, surtout de profil, et qui ressemblait aussi parfois - quand il quittait en douce le laboratoire, courbé en deux, le corps un peu de travers, le pas pressé et le regard un peu en coulisse, notant tout, ne voyant rien - à l'illustre et génial Groucho Marx

retrouver ravie les moyens mnémotechniques d'autrefois :"mais où est don Ornicar ?" (mais, ou, et, donc or, ni, car) ou en core "Caillou, chou, genou, hibou, pou" et aussi les virelangues si difficiles à dire "les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches, archisèches ?..."

être contente pour le monsieur qui sourit tout seul en marchant

Le présent livre est conçu en deux parties. Dans la première, intitulée "De bric et de broc", je continue à recenser, à la manière su "Sel de la vie", les petits faits, les sensations et affects qui sont les supports et matériaux identifiables de notre existence. Dans la seconde, intitulée "Façonnages", j'essaie de présenter, sous forme imagée, par associations libres d'idées, sur un mode qui n'est ni celui de la biographie ni celui de la confession comment ces matériaux ont servi de support à l'élaboration de ma propre vie.

Je me souviens de m'être mariée en 1958 à Tougan devant un commandant de Cercle (circonscription administrative) de ce qui était alors la Haute-Volta, tout éberlué de jouer le rôle d'officier d'état-civil pour un mariage d'Européens (comme on disait alors pour ne pas dire "Blancs".)
(...)
L'administrateur qui me maria fut sans doute le dernier commandant "blanc" avant l'Indépendance. Mais, chose extraordinaire, les administrateurs suivants, purement burkinabés, continuèrent d'être perçus comme de couleur blanche. Le blanc était la couleur du pouvoir et donc de l'administration, on allait chez le "Blanc" même si sa peau était vraiment , d'une façon évidente, noire.

C’est cette capacité d’alterner aisément austérité et prospérité, maladie et santé, rage de vivre, peur de mourir, qui me donne force et résistance.

(...) se réjouir de se savoir mortelle car c'est ce qui leste la vie. (p. 49)

J'ai toujours rendu un culte à l'amitié. En réfléchissant bien, je pense être spontanément plus proche des femmes que des hommes (...) Il n'y a guère de plus grande satisfaction que celle d'avoir passé quelques heures dans une conversation à bâtons rompus , pleine de vivacités, de renversements, de tête-à-queue, de retours en arrière de mots d'esprit, de fous rires, de mines offusquées... avec une amie; Ce sont des moments de grâce et de vérité. (...) C'est délicieux. Cela dure toute la vie.

Avoir vu à Bodélio, en Bretagne, par un hiver froid, un des spectacles les plus naïfs et inattendus que la nature peut nous offrir : dans un coin du pré du haut, fermé de hauts murs, un compléments de planches murales et un toit forment un abri garni de paille pour les bêtes ; elles s’y installent pour dormir toujours de la même façon : d’abord les deux grandes ponettes se couchent sur le côté gauche pour l’une, droit pour l’autre, leurs échines se touchant de la queue jusqu’au dévoiement de l’épaule, là se forme un nid creux en forme de triangle que tapissent leurs crinières déployées, c’est dans ce creux que vient se lover la chèvre, son échine rugueuse épousant les deux encolures chevalines, et c’est dans le creux qu’elle-même forme avec ses quatre pattes repliées que viennent s’installer à leur tour précautionneusement les trois chats : Petite Mère, Mitchum et Jeune Gandin. Tout ce petit monde enlacé dort, ronfle, rêve... ils s’agitent doucement, ils sont heureux et nous aussi que la quiétude gagne.

Tout est là : beauté, calme, simplicité, sérénité, silence, solidité, solidarité, ingénuité... Dont la seule pensée est si rassurante.