- Je ne lis pas les journaux, dit Madame Holle. C'est rien que des bobards.
Je sais ce que vous allez dire :
MAX SCHULZ A UN GRAIN ! UN CAUCHEMAR ! VOILÀ TOUT !
Mais pourquoi dites-vous ça ? Le bon Dieu n'a-t-il pas inventé l'innocence pour qu'elle se fasse piétiner, écraser ici-bas... sur cette terre ? Les faibles et désarmés ne se font-ils pas bousculer par les forts ? Matraquer, violer, humilier, enculer ? Voire à certaines époques exterminer ? Vrai ou faux ? Et si c'est vrai... pourquoi dites-vous que c'est Max Schulz qui a un grain ?
Quel jour mémorable, celui où le génocidaire Max Schulz est redevenu coiffeur. Profession honnête du parfait monsieur tout le monde. Si j'avais un calendrier, j'entourerais ce jour mémorable d'un gros trait bleu, net et sans bavure.
Alors je me suis dit : Fini Max Schulz, tu es Itzig Finkelstein. Qui refuse d'être un sous-homme. Mais aussi un surhomme. Itzig Finkelstein veut être un homme tout court. Un homme ordinaire parmi les hommes ordinaires. Ni bête noire parmi les faibles. Ni bête noire parmi les puissants.
Je voulais juste te faire remarquer que je dois sans arrêt me défendre contre des attaques antisémites. J'en peux plus. On s'en prend à ma dignité humaine sous mon propre toit. C'est pas pour ça que je me suis fait Juif quand même ! Je croyais que les Juifs avaient gagné la guerre !
Un antisémite, c'est comme un cancéreux. A un stade trop avancé, ça ne sert à rien d'opérer.
De toute façon, à quoi bon discuter avec des antisémites. Ils sont incorrigibles.
Max Schulz, génocidaire, fils illégitime mai aryen pur souche de Minna Schulz, était né le même jour que le Juif Itzig Finkelstein. Il connaissait son passé. Et ils avaient le même métier.
- Nous aussi, nous sommes ressuscités. Il y a deux formes de résurrection.
- Comment ça, Itzig Finkelstein ?
- Il y a la résurrection des vrais morts, et celle des faux vivants.
- Nous étions des faux vivants ?
- Oui, Hanna. Tous les Juifs en exil sont des faux vivants. Vivre sans pouvoir prendre racine, ce n'est pas une vie.
- Comment ça, Itzig Finkelstein ?
- Les faux vivants viennent ici, Hanna, pour prendre racine.
- Comme les arbres ?
- Oui, Hanna, à peu de choses près.
Un antisémite, c'est comme un cancéreux. À un stade trop avancé, ça ne sert à rien d'opérer.