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Critique de CogitoRebello


L'exercice d'un troisième roman était difficile. Tant pour l'auteur qui avait séduit énormément de lecteurs avec "Le réprouvé" et faisait parti des huit finalistes de la sélection 2010 du Prix Femina que pour moi qui redoutait de ne pas pouvoir revivre un tel plaisir de lecture et par conséquent être moins dithyrambique. Mais que ce soit pour le lecteur qui entrouvre, avec l'appréhension d'être déçu, le dos serré du livre neuf ou pour l'auteur qui redoute les futures critiques, une fois le livre publié : alea jacta est ! (à chacun son rubicon.)

S'il fallait faire très court pour poser le synopsis de ce roman "Les Successions", on pourrait écrire ceci : Pascal Klein, brillant marchand d'art actuel, part à la recherche d'une toile de Chagall qui ornait la chambre se son père lorsqu'il était enfant, avant de disparaître au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Seulement, on passerait totalement à côté du livre... Car il y a plus, bien plus, beaucoup plus.
On court derrière un tableau de Chagall envolé, mais pas que...

Le "démarrage" n'est pas forcément très aisé. La facilité aurait vraisemblablement été un démarrage sous forme de dialogues, ce qui bien souvent emballe le lecteur alors même qu'il est encore sur le quai. Surtout, ne vous laissez pas distraire, vous rateriez le moment où l'histoire s'échappe et vous happe vers l'intérieur, le moment où le grand voyage débute.
On entre tout d'abord dans l'antichambre du livre, un espace, un lieu où les mots font tinter les idées. L'auteur y dépose beaucoup de réflexions (peut-être trop à mon goût) sur nous, notre monde, notre façon de vivre dans ce monde.
C'est ici que l'on perd la notion du temps comme dans ce jeu où un foulard sur les yeux on nous faisait tourner sur nous-même jusqu'à ce que disparaissent la réalité et ses certitudes.
Une fois l'antichambre traversée, c'est l'éblouissement total. le sublime des mots le dispute à la flamboyance de la narration et l'on découvre Ferdinand.
Ferdinand de Sastres, mécène excentrique ou tout simplement fou, né en 1875 et décédé en 1940, entre dans le roman comme une fulgurance. Et ça voyez-vous, ça n'était pas dans le synopsis !

J'ai très fortement pensé à Stefan Zweig et ses biographie (Trois Maîtres : Balzac, Dickens, Dostoïevski ; Trois poètes de leur vie : Stendhal, Casanova, Tolstoï ; La guérison par l'esprit : Mesmer, Mary Baker-Eddy, Freud et bien sûr Marie-Antoinette) en lisant celle de Mikaël Hirsch sur Ferdinand de Sastres. C'est à mon humble avis du même registre.
Cela m'a d'ailleurs suggéré que les biographies écrites par les écrivains étaient beaucoup plus resplendissantes et romanesques que celles écrites pas les historiens. Il y a dans les premières un vrai flamboiement qui n'existe pas chez les historiens. L'écrivain y met un supplément d'âme qui embrase tout le récit.
Dans "Les successions", lorsque les pages défilent, c'est un feu incandescent qui éclaire une écriture absolument sublime.
Là, c'est avéré, l'auteur a une maîtrise époustouflante de la langue française, une gamme de mots inextinguible au service de histoire, toujours au service de l'histoire (et non des mots empilés les uns sur les autres afin de camoufler la pauvreté d'un style). Il est bon de le relever car c'est assez saisissant et assez rare d'offrir un tel cadeau lexical aux lecteurs.
Les vies de Pascal Klein et de Ferdinand de Sastres s'entrelacent le long des lignes sur une chorégraphie exemplaire même si, je dois l'avouer, ma préférence va aux hommes du passé que l'auteur raconte souverainement avec une écriture très hypnotique qui vous expédie d'un revers de main en arrière, loin, très loin. C'est du talent et du travail certes mais c'en est presque magique !
Mais pas que...

Il y a du polar dans ce livre car ce tableau disparu, il s'agit bien de remettre la main dessus ! Une fois décroché du mur de la chambre paternelle, il s'est évaporé. Après des trajectoires planétaires ahurissantes et de multiples passages de mains en mains, Pascal Klein pense enfin le tenir. "Pense" car rien n'est moins certain pour une oeuvre qui se balade depuis soixante ans dans le plus grand secret. L'auteur n'hésite pas une seconde à nous coiffer d'un Deerstalker à la Sherlock et à nous embarquer avec lui dans cette chasse au trésor pictural.
Mais pas que...

Car bien souvent une quête a ceci d'incroyable qu'elle offre à son investigateur bien d'autres réponses que celles-là mêmes qui étaient initiatrices du projet. Et c'est ainsi que l'auteur nous promène sur des chemins transversaux où "se" trouver devient essentiel.
Mais pas que...

Il arrive un temps où raconter un livre ne veut finalement pas dire grand chose de ce livre. Il arrive un temps où il faut suspendre l'éloquence, respirer profondément et s'aventurer.

Je vous souhaite une très belle traversée...
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