- Papa, maman, vous avez l'air de deux agences de voyages vantant chacune une destination pour une excursion que j'aurais à faire. Londres ou Paris ? Paris ou Londres ? Je n'irai ni à Paris avec ma mère, ni à Londres avec mon père. En fait, ma vie actuelle entre Champittet et Chamonix me va très bien. Ce dont j'ai besoin : une famille aimante et unie. Je n'irais donc pas à Londres sans ma mère, ni à Paris sans mon père. Mais j'irai donc n'importe où avec vous deux. En résumé, soit nous vivons tous les trois ensemble où vous voulez, soit nous continuons comme aujourd'hui, et je ne veux plus voir ni l'un ni l'autre.
Sur ces fières paroles, je quitte la pièce, suivi de Jojo le ratier, pour monter à ma chambre, où je me jette sur mon lit en éclatant à la fois de larmes et de rire.
Toute enfance est atroce. Il faut la traverser au pas de course. Ne pas se retourner, jamais. Nous faisons gagner à notre fils du temps sur son enfance en le rendant malheureux. Enfin, ce qu’ils appellent « malheureux ». C’est parfait. Le bonheur, c’est pour les ploucs.
Le soir, je n'ai personne à qui parler de ma journée ; le matin, personne à qui confier mes projets. Donc, je me tais et je passe pour un sauvage, un asocial, un cas. Ca doit être vrai, après tout, puisque tout le monde le dit.
Le Petit Prince, c'est un livre de vieux écrit pour les enfants. Un livre de lèche-cul. Il nous dit de tout expliquer aux grandes personnes, qui seraient plus bêtes que les enfants. C'est un peloteur qui écrit ça. Il flatte les enfants. Avec moi, ça ne marche pas.
Parce que moi, j'ai remarqué que les adultes arrivent à se débrouiller pour faire ce qu'ils veulent. Contrairement aux enfants, qui doivent toujours obéir. Donc, expliquer que c'est mieux d'être enfant qu'adulte, c'est comme dire que c'est mieux d'être esclave que libre. Il ne nous prendrait pas pour des demeurés, le Saint-Ex, avec son nom d'eau minérale ou de soutien-gorge?
Comme il est utile peut-être au fond que les enfants soient malheureux et méconnus de leurs parents ! La contradiction leur enseigne l'irrévérence.
et l'irrévérence est la condition de développement de toute intelligence.
Il faut être en bons termes avec ses parents : ce sont des étrangers chez lesquels on ne fait que passer.
Il y a des cas où l'ambition est un devoir.
Ta maman est malade, soupire-t-elle. Elle a mal à la France. De toute façon, on ne peut pas la soigner. Pour nous, elle fait n'importe quoi. Mais elle a sa logique à elle. Une logique que les gens normaux ne peuvent pas comprendre.
Avec ma grand-mère, pas besoin de se parler. Les mots, c'est fait pour se mentir.
Je ne peux pas le savoir parce que je ne connais pas mes parents. Disons, je n’en connais que la moitié, et encore. Je n’ai jamais vu mon père et, si j’ai vu ma mère, c’est comme on voit la tour Eiffel de l’esplanade du Trocadéro ou la château de Versailles du train.