Ne nous étonnons ni des honneurs ni des opprobres et prenons le temps de regarder les fleurs du jardin éclore et tomber.
Ne nous préoccupons ni des succès ni des échecs et restons insouciants comme les nuages qui se ramassent et se déploient dans le ciel.
Il faut souvent entendre des paroles dures à entendre, souvent admettre des choses à contrecoeur. C'est la meule sur laquelle s'aiguise l'effort de perfection.
Si toute parole était douce à l'oreille, toute chose plaisante au coeur, on sombrerait dans un vin vénéneux.
Les hommes sont prisonniers de leur désir de gloire et de profit et se plaignent à tout propos de vivre dans un monde de poussière, dans un océan d'amertume. Ils ignorent les blancs nuages et les montagne vertes, les ruisseaux coulant entre des pierres, les oiseaux chantant parmi les fleurs, les chants de bûcherons qui se répondent par les vallées.
Non, le monde n'est pas que poussière, l'amertume n'emplit pas les mers. C'est le coeur des hommes qui en est plein.
On s'épargne bien des tracas en considérant d'un regard froid une agitation brûlante.
On goûte une vraie douceur en conservant un coeur chaleureux dans une solitude glacée.
Le coeur humain est inconstant, les routes du monde sont escarpées. Quand on est arrêté par un obstacle, il faut connaître l'art de reculer d'un pas. Quand on avance sans obstacle, il faut avoir le mérite de ne pas occuper toute la place.
Celui qui est soumis à l'emprise des choses s'irrite si elles lui sont contraires et s'y attache trop si elles le favorisent. Un seul cheveu suffit pour le ligoter.
Un arbre mort fait comprendre la vanité des feuilles et des fleurs.
Un homme dans son cercueil fait comprendre l'inutilité d'avoir enfants et richesses.
Nos cheveux qui tombent et nos dents qui s'espacent nous conforment au déclin de notre forme illusoire.
Les oiseaux qui chantent et les fleurs qui s'ouvrent nous apprennent la permanence de notre nature réelle.
Que notre corps soit comme une barque sans amarres qui vogue ou s'arrête au gré du courant.
Que notre coeur soit comme du bois calciné, impassible devant les attaques ou les louanges.
Il faut être pur tout en sachant être tolérant, être bon tout en étant lucide dans ses jugements, être strict sans être inhumain, redresser sans courber en sens inverse.
Pour la même raison les fruits confits ne doivent pas être trop sucrés ou les produits de la mer trop salés.
C'est là que réside la parfaite vertu