Il n'y a rien de prodigieux dans une oeuvre littéraire qui atteint la perfection. Elle trouve là sa nature spontanée.
Il n'y a rien d'extraordinaire dans une conduite humaine qui atteint la perfection. Elle trouve là sa nature originelle.
Les hommes sont prisonniers de leur désir de gloire et de profit et se plaignent à tout propos de vivre dans un monde de poussière, dans un océan d'amertume. Ils ignorent les blancs nuages et les montagnes vertes, les ruisseaux coulant entre des pierres, les oiseaux chantant parmi les fleurs, les chants de bûcherons qui se répondent par les vallées.
Non, le monde n'est pas que poussière, l'amertume n'emplit pas les mers. C'est le coeur des hommes qui en est plein.
Il faut admirer l'homme assez éclairé pour secouer ses manches et quitter la fête quand elle bat son plein. Il peut marcher sans crainte le long d'un précipice.
On ne peut que rire du commun des hommes qui errent indécis à une heure avancée de la nuit. Ils se noient sans comprendre dans une mer d'amertume.
Lorsqu'on se promène seul, un bâton à la main, parmi les pins qui bordent un torrent, à chaque halte un nuage se pose même sur le plus pauvre vêtement.
Lorsqu'on s'endort en paix, la tête posée sur des livres, devant une fenêtre encadrée de bambous, au réveil le clair de lune se répand même sur un froid tapis.
Si l'on consent à cesser de s'affairer dès que l'occasion s'en présente, on y parvient. Si l'on attend le moment favorable, il en va comme d'un mariage, où beaucoup reste à faire même après la cérémonie, ou de l'état monacal, où même sur la bonne voie le coeur ne s'apaise pas tout de suite.
Comme disaient justement les anciens : "Si tu peux te reposer aujourd'hui, repose-toi. Si tu cherches le bon moment, tu ne le trouveras pas."
On peut considérer la richesse et les honneurs comme des nuages chassés par le vent sans pour autant vivre dans une grotte d'ermite.