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Citations sur Un père en colère (33)

Par contre, ce que j'ai compris aujourd'hui, c'est que ce n'est pas nécessairement la qualité du pilier qui compte pour soutenir les fondations d'un pont, mais le fait que le pilier soit enraciné dans un sol stable et compact.
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« Cette fois, le dernier virage s'ouvre sur le paysage lunaire de la cité aux murs noircis, une sorte de porte-avions en béton, coincé de chaque côté par deux terrains vagues et échoué, à l'arrière, contre la terre grasse d'un champ labouré qui s'étend à l'horizon. La crasse mise à nue par les rayons du soleil se décline le long des murs en traînées verticales et en larges bandes horizontales semblables à des traces de freinage sur le bitume. Des draps et du vieux linge usé pendent des fenêtres ouvertes et sèchent au gré du vent. Des vélos d'enfants, des récipients en plastique, des balais encombrent quelques étroits balcons emprisonnés par de solides barreaux métalliques. Les centaines de paraboles ajoutent à cette impression de navire militaire abandonné. S'élevant sur une bonne quarantaine d'étages, les quatre tours reliées par une dalle centrale en béton paraissent vouloir s'enfoncer dans le sol. Leur densité inquiète ajoute à l'air lourd un pesant sentiment de dérive, de catastrophe en devenir, d'instabilité permanente. C'est bien là un porte-avions en béton, délaissé, pris en otage par la misère et son cortège de vices, abandonné dans un cimetière de destins entouré de néant. Ce porte-avions ne porte rien et n'est porté par rien. Car d'ici plus rien ne s'envole, plus rien n'est aérien, plus rien ne cherche à accrocher le firmament. Ici aucune vague d'espoir, que du vague-à-l'âme, aucune mer d'où partir à la conquête de nouveaux territoires, à la découverte d'une île utopique. Tout s'effondre, suinte vers le bas comme une sève purulente. Ici le mal de vivre ne se devine pas : il se lit à livre ouvert sur cette matière sans espoir qu'on nomme béton (…). »
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Trois individus sortent d’une BMW, stationnée en double file, le poussent violemment dans l’entrée, et, d’une balayette, l’étendent à terre. Pour Stéphane, c’est une fraction de seconde, un cauchemar instantané dans lequel on se met à le frapper. Combien de temps cela dure-t-il ? Il ne le sait pas, un instant et une éternité à la fois : un instant pour basculer du calme à la brutalité féroce, une éternité dès les premiers coups, dans les côtes et sur le visage, avec des douleurs intenses, une sensation de brûlure insupportable, et le sentiment terrible d’être si vulnérable, totalement dépendant de ces brutes. Il sent la frayeur dans sa chair, la terreur dans son esprit, ce plaisir qu’ils éprouvent à jouir du pouvoir de l’arbitraire. Il jette un hurlement de survie, car il croit entendre ses os craquer sous leurs coups. Eux lui crient qu’ils vont le finir, l’achever, qu’il va mourir comme un chien. L’histoire toute entière des barbaries humaines défile en lui, les femmes battues, les enfants frappés, les innocents torturés, il comprend tout. Il vient d’entrer dans la vaste et silencieuse famille des victimes. Celle dont on parle abstraitement, celle qu’on évite, par superstition, par peur de la main noire, de la contagion, peur de la tristesse, du désenchantement. Après tout, ces trois-là, ils ont sûrement une bonne raison de le taper…
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- Allez, réveille-toi. Faut que tu partes, maintenant! Qu'est-ce que t'attends?
Maintenant, Fred repousse Stéphane d'une pichenette légère sur son épaule.
- Ne me touche pas! Je suis ton père quand même! se libère Stéphane.
Fred, qui n'a pas bougé d'un pouce, éclate de rire. Il se retourne:
- Matez-le, comme il est vener! C'est peut-être l'odeur du shit! Hé, Rachid? Tu l'as acheté où, cette merde? Papa, faut l'excuser, il y a trop de demande en ce moment! Pas vrai, Rachid? Putain, Papa, t'as l'air tout pâle! T'es cassé? Elle va rien comprendre maman, quand tu vas causer!
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Droit comme un i, il marche une bonne demi-heure le long de la route jusqu’à une épicerie pakistanaise. De retour, il débouche la première bouteille de whisky, qu’il boit en quelques minutes. Une heure plus tard, il vomit brutalement, recouvrant la moquette et la carrelage de la salle de bains. Sans rien nettoyer, il s’installe avec son stock à côté de la cuvette des toilettes, et toute la nuit, il se force ainsi à boire, les yeux rougis, l’estomac en feu, vomissant du sang à l’aube, le corps trempé, grelottant.
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C'est l'affaire des lâches que de relativiser.
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Du matin au soir ils sont gavés de mille tentations vendues par des charlatans travestis en modèles de réussite. Une société entière, avec une puissance inégalée, nous tire vers le bas, le commun, le vulgaire, le rire gras et la duplicité.
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Cité de banlieue
De l'entrée émane une puanteur hostile. Partout sur le mur, des graffitis ; sur le sol des bouteilles cassées ; et pourtant, à quelques pas, des enfants jouent avec des pelles et des seaux sur la terre battue, des mères discutent devant une porte, l'une d'elle fait goûter des gâteaux du bled à un groupe de voisins et certains s'apostrophent en riant d'une fenêtre à l'autre. Il y a là, à cet instant, une chaleur humaine étonnante et improbable, une force de vie qui défie le destin et la misère. Stéphane devine qu'à deux pas de la rage, ces centaines de mères luttent chaque jour conserver leur dignité et essayer d'éviter que leurs enfants ne basculent dans le business.
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Avachi dans son canapé, il songe à sa vie qui donne l'impression de s'achever prématurément : tous ces sacrifices pour rien, aucune reconnaissance sociale, une famille de paille. Ses enfants ont été victimes de la délinquance, mais au fond lui aussi. Les voyous du capitalisme pratiquent une forme de brutalité plus hypocrite que celle de la banlieue, mais elle touche des millions de citoyens, allant jusqu'à en pousser certains au suicide et en transformant les autres en larves.
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Ici, la politesse, c’est être indifférent.
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