Citations sur Comprendre le monde (22)
Figurez-vous que chaque année, le soir, de la fête de Pâques, les juifs ont l’habitude de se réunir en famille, de s’asseoir autour d’une table et de raconter à nouveau l’épisode de la sortie d’Égypte. Ils pourraient regarder le film de Walt Dysney (le prince d’Égypte) Mais ils se racontent cette histoire du passé lointain, celle de leurs ancêtres et, au moment précis où ils s’apprêtent à raconter cette histoire , ils disent la chose suivante : « à chaque génération, chacun doit se percevoir, comme s’il était lui-même, sorti d’Égypte. ». la particularité de cette histoire du passé, c’est qu’elle n’est pas du passé. Se passé ne passe pas et cette histoire n’est plus linéaire. Ce n’est pas dans une histoire collective et lointaine, mais proche et personnelle. Je dois me souvenir, en ce jour, comment je suis sortie d’Égypte. dès lors, je dois m’interroger très concrètement. Quel est mon Égypte, où est-elle. Qu’est-ce qui dans ma vie fait parfois de moi une esclave et qui est mon pharaon ? Est-ce mon professeur principal, ma mère, ma belle-mère, ma console de jeux ? quelles sont les plaies qui s’abattent sur mon monde et me permettent de sortir de cet esclavage personnel? Quelle est ma terre promise ?
Vos parents et vos grands-parents, vos éducateurs, vos professeurs, tous ceux qui vous racontent des histoires au sens noble du terme ont comme ambition de vous alourdir. C'est pour cela que parfois vous vous dites que vos parents sont lourds. Ils doivent, de fait, vous charger d'une certaine vision du monde. Leur monde n'est pas exactement le vôtre parce qu'entre eux et vous quelque chose a changé et ce quelque chose mute de plus en plus vite. La seule solution pourtant, pour comprendre le monde en changement, consiste à tisser des liens entre ce qui a été et ce qui pourrait être, entre ceux qui ont été et ceux qui pourront être, des liens entre des temps et entre des gens.
La nostalgie d'un temps ancien pousse certains à dire que c'était mieux avant même si nous ne savons pas avant quoi. Cette tendance est présente dans de très nombreux discours politiques mais aussi dans des discours religieux, en particulier les discours de ce que l'on appelle des fondamentalistes ou des extrémistes. Peu importe que nous ne sachions pas à quelle époque et à quelle qualité de vie ces nostalgies font référence, il s'agit toujours de se raconter l'histoire comme si elle n'était qu'en déclin.
C'est parce qu'un bateau est chargé de quelque chose qu'il peut naviguer. Personne ne peut naviguer à bord du bateau de Peter Pan. D'ailleurs Peter Pan ne peut pas grandir, il n'a pas d'ancrage, de lest, il n'a pas de parents et n'a hérité de rien.
Vos parents et vos grands-parents, vos éducateurs, vos professeurs, tous ceux qui vous racontent des histoires au sens noble du terme ont comme ambition de vous alourdir. C'est pour cela que parfois vous vous dites que vos parents sont « lourds ». Ils doivent, de fait, vous charger d'une certaine vision du monde. Leur monde n'est pas exactement le vôtre parce qu'entre eux et vous quelque chose a changé et ce quelque chose mute de plus en plus vite. La seule solution pourtant, pour comprendre le monde en changement, consiste à tisser des liens entre ce qui a été et ce qui pourrait être, entre ceux qui ont été et ceux qui pourront être, des liens entre des temps et entre des gens. Nous ne pouvons comprendre le monde que si nous chérissons ces continuités, ces connexions entre ce qui s'est passé et ce qu'il se passe entre les uns et les autres.
Un texte n'est peut-être sacré qu'à condition que nous n'ayons pas fini de le comprendre. C'est ce rapport que les juifs entretiennent avec la Torah, ou que bien d'autres traditions religieuses entretiennent envers leurs écrits, leurs textes fondateurs. Ces textes peuvent encore parler à ceux qui croient que tout n'a pas été dit et que les nouvelles générations ont un trésor à y traquer qu'elles seules peuvent y trouver.
Peter Pan ne peut pas grandir, il n'a pas d'ancrage, de lest, il n'a pas de parents et n'a hérité de rien.Voilà pourquoi il vole.Dans la vrai vie, la meilleure chose qui puisse arriver n'est jamais de vous envoler mais de flotter, de voyager loin grâce à ce qui vous a été transmis.
La seule solution pourtant, pour comprendre le monde en changement, consiste à tisser des liens entre ce qui a été et ce qui pourrait être, entre ceux qui ont été et ceux qui pourront être, des liens entre des temps et entre des gens. (p. 31-32)
page 19
en vérité , nous ne savons ni quand ni comment les Hébreux sont sortis d'Egypte. Mais je n'ai pas besoin d'en avoir la démonstration scientifique ou la preuve historique pour être convaincu de quelque chose. Ces récits n'ont pas besoin de dire la réalité pour peut-être dire la vérité. De fait ils partagent ce point avec bien des contes : ne pas dire la réalité ne signifie pas nécessairement qu'on ne dit pas la vérité.
Comment comprendre le monde ? La question n'a aucun sens si nous n'admettons pas que le monde a changé sinon ce serait simple. Si le monde d'hier était comme le monde d'aujourd'hui, le comprendre reviendrai à donner à la nouvelle génération le même mode d'emploi. Or le problème de la compréhension du monde et celui de son changement, de sa nouveauté, de son accélération.