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Citations sur Comprendre le monde (22)

Toutes les légendes de notre enfance font souvent semblant de parler au passé simple pour dire un passé qui n'est pas si simple, qui est même très compliqué. Elles disent au passé ce qui n'est pas passé, ce qui résonne au présent et elles disent peut-être quelque chose de l'avenir à la nouvelle génération qui pourra s'en emparer. Voilà pourquoi "il était tait une fois" est toujours un verbe à l'imparfait. L'expression ne parle en aucune manière d'un événement qui a eu lieu une fois pour toutes. Il s'agit toujours d'une histoire qui s'est suffisamment répétée pour qu'elle soit encore pertinente aujourd'hui. Ce passé n'est pas révolu. "Il était une fois" fait dire : il est et il sera encore bien des fois.
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Les réseaux sociaux devraient permettre un dialogue sont de plus en plus souvent des lieux où les gens monologuent. Ce qui devrait créer des liens renforce parfois la solitude. Tel est peut-être l'enjeu de votre génération qui grandit avec ce mode de communication inédit : de penser et repenser autrement les réseaux, de les raconter autrement.
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J'aimerais vous dire un mot de ce que font les rabbins. Beaucoup de gens ignorent ce que font les rabbins, les prêtres et les imams... quand ils ne regardent pas Star Wars. Ils se posent des questions comme le font les conteurs, les réalisateurs, les auteurs. Des questions comme : quoi servent les histoires, comment se transmettent-elles, pourquoi se transmettent-elles et comment peuvent-elles peut-être nous aider à comprendre le monde ? Cette capacité du « il était une fois » à raconter au passé quelque chose du présent est au cœur de très nombreux récits religieux.
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(p.55) Et les filles !
DH : Nous en revenons au problème de tout à l'heure. Bien entendu, la lecture contemporaine de cette histoire consiste à accepter que ces enfants ne sont pas que des fils, qu'ils sont aussi des filles mais ces textes sont incontestablement chargés de patriarcat et de misogynie, c'est-à-dire qu'ils mettent à distance les femmes et le féminin. Une fois que vous le savez, deux solutions s'offrent à vous. Soit vous estimez que ces textes et ces héritages religieux sont misogynes et que vous ne voulez rien avoir à faire avec eux. Soit vous reconnaissez cet héritage et vous pensez que la question est de savoir ce que vous allez en faire. Cette question rejoint celle du début de la conférence : faut-il encore raconter des « il était une fois » à nos enfants ? Si vous faites attention aux contes de Perrault, ils sont remplis d'éléments problématiques par rapport à notre sensibilité moderne. Tous les contes présentent le féminin sous les traits de princesses enfermées dans leur château qui attendent désespérément que le prince vienne les chercher. S'imaginer que le féminin est entièrement affaire d'intériorité et de pudeur n'est pas la meilleure image à transmettre aux petites filles et aux petits garçons. Nous pouvons penser que ces contes sont tellement misogynes et ringards que nous ne voulons pas que nos enfants y soient exposés. Ou bien nous acceptons que ces contes reflètent des temps et des héritages passés et nous nous demandons ce que nous allons faire avec eux, comment nous allons les raconter, comment nous allons offrir à nos enfants un regard critique sur leur histoire et le poids qu'ils portent sur leurs épaules. Que vont-ils faire de ce lest dont je parlais tout à l'heure ? Ce poids va-t-il les clouer au sol ou, au contraire, va-t-il leur permettre, parce que nos enfants disposent d'une capacité d'analyse, de naviguer loin et ailleurs ?
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page 30
Pour bénir un enfant, on appose les mains sur sa tête en faisant comme si on le plantait à nos côtés. Nous pourrions nous imaginer que ce geste impose une place à nos côtés, mais pas du tout. Par ce geste nous lui disons exactement l'inverse : nous mimons et nous racontons la chose suivante : sache que tu es suffisamment héritier de notre monde, que tu es suffisamment chargé de trésors que tes parents t'ont transmis, que tu portes le poids de ce que qui t'a été donné grâce auquel tu pourras aller ailleurs, traverser les océans, explorer le monde, entreprendre un voyage.
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Mais je n'ai pas besoin d'en avoir la démonstration scientifique ou la preuve historique pour être convaincu de quelque chose. Ces récits n'ont pas besoin de dire la réalité pour peut-être dire la vérité. De fait, ils partagent ce point avec bien des contes: ne pas dire la réalité ne signifie pas nécessairement qu'on ne dit pas la vérité. Quelque chose de la sortie d'Égypte dit la vérité de nos esclavages, quels qu'ils soient, et surtout de la façon dont chaque génération peut traduire cette histoire et sa mise en route vers la liberté.
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C'est là que nous pouvons espérer commencer à répondre à la question que nous nous posons : comment comprendre le monde ? La question n'a aucun sens si nous n'admettons pas que le monde a changé. Sinon ce serait simple. Si le monde d'hier était comme le monde d'aujourd'hui, le comprendre reviendrait à donner à la nouvelle génération le même mode d'emploi. Or le problème de la compréhension du monde est celui de son changement, de sa nouveauté, de son accélération. Le comprendre implique de reconnaître que, si changeant qu'il soit, il est impossible de le comprendre si nous ne pensons pas les liens entre les temps de notre histoire, entre les générations qui se transmettent ce monde en héritage.
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page 64
Mais je crois que la femme est doté d'une conscience particulière car de par son histoire, les récits dont elle est l'héritière, elle sait ce que cela veut dire d'être un outsider du récit, d'avoir été laissée à la périphérie et un peu muette dans l'histoire, restreinte à l'intériorité, au château, à la maternité. Nous sommes capables de faire parler tout cela dans le texte ou dans la société.
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Quand j'étais adolescente, j'avais décidé de devenir médecin. Je suis allée voir mon grand-père, il m'a demandé ce que je voulais faire plus tard et quand je lui ai répondu que je voulais devenir médecin il m'a alors dit: « Ah bon. C'est bizarre j'aurais imaginé quelque chose d'autre pour toi ». Mais il n'a jamais voulu me dire quoi. A l'époque je lui en ai voulu, je ne comprenais pas pourquoi il ne me félicitait pas de mon choix, pourquoi il introduisait en moi un doute en ne me disant pas ce qu'il avait imaginé pour moi. Il m'a fallu des années pour comprendre à quel point cette phrase avait été une vraie bénédiction, la chose la plus extraordinaire qu'on m'ait jamais dite. J'ai ensuite connu beaucoup de moments où je ne savais pas exactement où aller, je voulais changer de métier, de pays et cette petite phrase de mon grand-père me disait: « J'aurais imaginé quelque chose d'autre pour toi ». Le fait qu'il ait un jour imaginé quelque chose d'autre pour moi me permettait d'imaginer quelque chose d'autre pour moi. Grâce à cette phrase j'ai été capable d'imaginer que je n'étais pas obligée d'aller là où d'autres étaient déjà allés car il existe pour moi un autre lieu. J'ai pu inventer autre chose, tracer un chemin que pour l'instant personne n'avait suivi. Je pense que dans la vie il faut toujours trouver un moyen de se permettre des sorties de route, de se dire que tout nous poussait à aller là mais qu'il existe pour nous d'autres chemins et que rien ne nous empêche de nous aventurer ailleurs. Je vous souhaite d'entendre tout au long de votre vie des petites phrases qui vous permettront d'aller ailleurs.
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(p.52) Mais est-ce que les parents peuvent comprendre les enfants ?
D H : Jamais complètement. La force du lien entre les générations, si tout se passe bien, c'est que la génération suivante grandit dans un monde qui n'est jamais vraiment le même monde que celui de la génération précédente, Cette dernière est là pour donner des clés, pour dire d'où nous venons et ce qu'elle transmet mais elle doit toujours avoir conscience qu'elle ne comprend pas complètement le monde de la génération suivante. Un élément de langage lui échappe toujours, quelque chose qu'elle ne pourra pas saisir et tant mieux. Pourtant l'enjeu est quand même de garder le lien. Je parlais tout à l'heure de la fête de Pâques. Outre le fait que le soir de la Pâques juive nous racontons la sortie d'Égypte, nous faisons aussi quelque chose d'étrange. Nous sommes assis autour d'une table et nous racontons tous les ans la même histoire qui dit que nous nous souvenons d'une histoire où quatre enfants sont autour de la table, un fils qu'on appelle un fils rebelle, un fils qu'on appelle un fils sage, un fils qu'on appelle un fils naïf et un fils qu'on appelle un fils qui ne sait pas poser de question. Tous les ans, alors que nous sommes tous réunis autour de la table, nous lisons ensemble cette histoire qui nous dit que nous avons tous dans notre famille, et peut-être dans nos histoires personnelles, des moments où nous avons été chacun de ces quatre enfants. Par moments nous avons le sentiment d'être le fils sage que nos parents comprennent très bien car nous sommes le Schtroumpf à lunettes de la famille auquel tout le monde fait confiance. À d'autres moments, au contraire, nous sommes le fils rebelle et nous avons le sentiment que nos parents ne comprennent rien à rien. Cette histoire raconte surtout que les quatre fils doivent être assis autour de la table. Quoi qu'il arrive, tout en reconnaissant que nous comprenons bien certains de nos enfants alors que nous ne comprenons plus les autres, il faut tout faire dans la mesure du possible pour que tout le monde reste autour de la table, ait son mot à dire et puisse participer à la conversation sacrée qui doit s'opérer entre les générations au sein d'une famille. Mais ce n'est pas toujours facile à faire.
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