De la plage, la villa apparaissait comme un navire blanc mis en cale sèche à flanc de colline. Gréco admira longuement les lignes, les ouvertures, les jalousies de bois, le balcon-coursive qui ressemblait à un bastingage, l’étrange verrière comme une cheminée de paquebot dépassant du toit, l’équilibre du tout. Même abandonnée, un peu délabrée, la villa l’émerveillait encore. P 31
" Leurs rires craquaient comme des pommes de pin qu'on écrase .
Les aloès et les lauriers palpitaient doucement dans le crépuscule ....."
Louison et Tessa adoraient nager nus sous l’eau. Ils aspiraient beaucoup d’air pour faire durer le plus longtemps possible l’état d’apesanteur. Ils ouvraient les yeux. Dans l’eau, le soleil formait comme de fines paillettes d’or qui tournoyaient en scintillant. Leur corps pouvait être à la fois étincelant et étrangement pâle, soudain refroidi par la lumière. Les chevelures étaient comme des crinières flottantes. Tessa et Louison prenaient l’eau avec les mains et la repoussaient vigoureusement. Ils s’enfonçaient peu à peu, le visage en proue. Lees bras le long du corps, ondulant comme des nageoires. Des poissons à ventre blanc les frôlaient quelquefois par bancs entiers. D’un coup de pied, ils provoquaient de brusques accélérations qu’ils atténuaient ensuite par des mouvements ralentis, dessinant des trajectoires au cours heurté, avec des instants d’équilibre.
Tessa et Louison étaient très liés et pourtant chacun vaquait toute la journée à ses affaires. Exercices d’assouplissement. Bains. Siestes à l’ombre. Ils n’avaient pas besoin de se voir pour se retrouver. Quelque chose de lui qu’elle ne pouvait dire restait pour elle dans l’air où il passait. Et réciproquement, quelque chose d’elle qu’il ne pouvait dire restait pour lui dans l’air où elle passait.
Le soir, ils cuisinaient et prenaient leur repas ensemble. Ils discutaient longuement sur la terrasse, se montraient des photographies de spectacles qui les avaient marqué : Jours étranges de Dominique Bagouet, One Story as in Falling de Trisha Brown. Ils lisaient à plat ventre sur le carrelage frais des monographies consacrées à des chorégraphes (Martha Graham, Yvonne Rainer, Lucinda Childs) et des ouvrages de référence qu’ils avaient emprunté pour l’été à la bibliothèque de leur école. Ces lectures, l’excitation qu’elles éveillaient en eux, plongeaient Tessa et Louison dans une sorte de fièvre.
Ils s'embrassaient, faisaient l'amour, parlaient encore la nuit.
Dehors les étoiles se réfléchissaient au sein de la mer, qui répétait leur images tremblantes.