Si, trop longtemps, le Moyen-Age a souffert du mépris du public cultivé et des universitaires, le "Moyen-Age grec", autrement dit l'Empire romain d'Orient, Byzance, a accumulé mépris sur mépris. On ne s'étendra pas sur les raisons de ce phénomène, bien analysées par
Anthony Kaldellis. Contre ce préjugé universitaire et public, la collection "Séminaires byzantins" des Belles-Lettres propose de minces volumes savants sur les pratiques culturelles de ce millénaire byzantin, de Justinien aux Turcs. Modestement intitulé "Remarques", le livre de
Wolfram Hörandner propose un tour d'horizon de la poésie byzantine, et le lecteur devra abandonner deux préjugés : le premier, moderne, inauguré par
Verlaine et le XX°s, sur ce que nous comprenons aujourd'hui par "poésie" et "
poétique" ; le second, classique et hérité d'
Aristote et des Anciens, qui ferait considérer comme barbares, tardifs et décadents les poèmes écrits à Constantinople. C'est que les Grecs byzantins étaient en butte à deux contraintes : la langue grecque avait cessé d'opposer voyelles longues et voyelles brèves, opposition qui fondait la poésie classique depuis
Homère et
Hésiode. On ne pouvait donc plus versifier comme eux, il fallait inventer de nouveaux vers. Seconde contrainte : les Anciens étant des modèles indiscutables, ils devaient être imités. Mais comment les imiter quand on est chrétien, fidèle d'une religion qu'ils n'ont pas connue, et quand on est "romain", citoyen d'un empire dont les pratiques politiques et linguistiques n'ont rien à voir avec celles de l'Antiquité classique ? Les poèmes, dont l'auteur fait de larges citations, en grec et en traduction, montrent avec quelle habileté les poètes tournent ces difficultés à leur avantage.
Wolfram Hörandner est un universitaire au langage accessible. Sa prose est peu attrayante, mais les poèmes qu'il cite sont des merveilles et éclairent tout le livre.