Vivre dans un monde où les réponses aux questions peuvent être si nombreuses et si valables, voilà ce qui me fait sortir du lit et enfiler mes bottes tous les matins. (p85)
Pour encourager Ky, je lui avais dit que ce qu’il faisait allait peut-être le protéger de l’arthrite dont sont affligés tous les membres de notre famille. Les apiculteurs de façon générale trouvent sain d’être piqués par des abeilles dont le venin, d’après eux, atténue les symptômes de l’arthrite. Lorsque je me lançai dans ce métier, je pensais qu’il s’agissait là d’une de ces histoires de bonnes femmes qui font de l’apiculture une occupation si distrayante, mais après avoir eu les mains piquées, les douleurs dans mes doigts disparurent et depuis j’y crois.
C'est pourquoi j'ai cessé de dormir à l'intérieur. Une maison est trop petite, trop limitée. Je veux le monde entier, et aussi les étoiles.
Pour une seule personne, un potager ne justifie pas le travail qu'il exige. (p.239)
J'aime être là-bas, tôt le matin. Les araignées ont tendu leurs toiles pour prendre au piège les insectes nocturnes, et quand le soleil levant darde ses rayons obliques à travers les arbres, les gouttes de rosée accrochées dans les toiles les transforment en joyaux d'une exquise délicatesse.
(...) la politique a le chic de transformer l'absurde en réalité (...)
La quête de ce qui pourrait être ou ne pas être des larves de mouches à scie me paraît des plus exaltantes ce printemps.
Ce printemps je marche souvent, les yeux rivés au sol, à leur recherche - les chenilles - Il a sûrement existé des quêtes plus nobles, - celles de la baleine blanche et du Saint Graal - et bien que les Achab et les Perceval de ma connaissance figurent parmi les plus distrayants de mes amis, je suis faite d'une autre étonne et je m'amuse d'autre façon. La quête de ce qui pourrait être ou ne pas être des larves de mouches à scie me paraît des plus exaltantes de ce printemps.
Envahie d'un sentiment de gratitude, je découvris qu'une partie de moi-même, inconnue, cachée je ne sais où pour se laisser consumer par son chagrin et ses douleurs surgissaient. J'étais remise sur les rails.
Mais après avoir élevé des abeilles, que pourrais-je faire ?
Mes abeilles couvrent deux mille cinq cent kilomètres carrés de terres dont je ne suis pas propriétaire, à la recherche de leur pitance, butinant de fleur en fleur pour lesquelles je ne paie aucune location, volant le nectar, mais en retour pollinisant les plantes. C'est une forme d'agriculture anarchique et paisible , et de gagner ainsi sa vie exerce sur moi un tel attrait par son côté sauvage, erratique, maraudeur qu'il me rend inapte à toute autre méthode, sauf peut être le cambriolage de banques.
[...]
En ville, on m'appelle la Dame aux Abeilles. Dans quel autre domaine pourrais-je acquérir un titre semblable ?