Hiver 1918/1919 : immersion dans les décombres d'un village de bord de Meuse avec pour quotidien, le froid, la faim, la grippe, les cadavres des soldats sur les champs de bataille et ceux des civils entreposés sur une propriété isolée. Ambiance d'une reconstruction embryonnaire : chacun se débrouille, survit en échangeant ses services et avec l'aide de substances anxiogènes, entre autres la gnôle et l'opium.
Louise Desprez, la narratrice nous entraîne au sein d'une population hétéroclite de villageois, soldats français et des colonies, américains, allemands en déroute.
Après avoir été violée et abandonnée dans les bois à 16 ans, elle a été recueillie et soignée par Anne, sage-femme qui meurt au début du récit. Louise considère Anne comme sa mère, et a commencé avec elle l'apprentissage des soins gynécologiques. Elle va poursuivre sa formation sur le terrain et se battre pour imposer son savoir-faire tout en élevant un enfant né d'un accouchement difficile.
Privée de l'attention et de l'affection d'Anne, elle doit composer avec une autre soignante, Vida, aux solides connaissances médicales et scientifiques. Elle craint Vida, personnage mystérieux et impressionnant par son mutisme et son attitude froide envers elle et les autres. Leur relation évolue cependant durant le récit, dans lequel la violence reste quotidienne, la vie humaine n'a pas grande valeur du fait de la destruction de la société et de ses institutions.
Et c'est surtout la violence faite aux femmes qui est récurrente en cette période de juste après-guerre : les viols, les tabassages par les hommes, qu'ils soient soldats, compagnons, maris ou même pères.
Les soignantes se démènent pour accoucher mais surtout soigner les traumatismes gynécologiques, conséquences des viols, MST des patientes villageoises et des nombreuses prostituées vivant à proximité de milliers de soldats pas encore démobilisés.
Le discours des patientes concernant leurs pratiques sexuelles et les maux qui en découlent est très direct pour l'époque : je doute que l'éducation de l'époque et la morale dans lesquelles baignaient nos arrières grands-mères permettaient des confidences aussi crues, même s'il se faisait à l'adresse d'une soignante femme… Mais nous sommes dans un roman !
L'auteur produit en outre un travail fouillé de recherche documentaire sur l'histoire de l'enseignement des pratiques d'obstétriques et gynécologiques ainsi qu'autour du statut de la sage-femme par rapport au médecin et aux matrones exerçant sans formation scientifique.
Dans ce dernier roman,
Nathalie Hug -d'origine nancéienne- mêle aussi l'influence des légendes familiales, des croyances ancestrales, et de l'amour aussi : avis aux amateurs !
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