OLOFERNO
Rien n'est si doux que de chanter une belle femme et un bon repas.
GUBETTA
Si ce n'est d'embrasser l'une et de manger l'autre.
DONA LUCREZIA
[...] C'est un caprice, si vous voulez; mais c'est quelque chose de sacré et d'auguste que le caprice d'une femme, quand il sauve la tête d'un homme.
GUBETTA, seul
[...] Mais les jeunes gens sont ainsi faits. La gueule du loup est de toutes les choses sublunaires celle où ils se précipitent le plus volontiers.
GENNARO
[...] Nous autres gens de guerre, nous risquons souvent notre poitrine à l'encontre des épées. Les lettres d'une mère, c'est une bonne cuirasse.
Il serait beau, s’il n’avait pas les yeux fermés.
Un visage sans yeux, c’est un palais sans fenêtres.
[…] s’il ne me restait, à moi, pauvre femme, haïe, méprisée, abhorrée, maudite des hommes, damnée du ciel, misérable toute-puissante que je suis ; s’il ne me restait dans l’état de détresse où mon âme agonise douloureusement qu’une idée, qu’une espérance, qu’une ressource, celle de mériter et d’obtenir avant ma mort une petite place, Gubetta, un peu de tendresse, un peu d’estime dans ce coeur si fier et si pur ; si je n’avais d’autre pensée que l’ambition de le sentir battre un jour joyeusement et librement sur le mien ; comprendrais-tu alors, dis, Gubetta, pourquoi j’ai hâte de racheter mon passé, de laver ma renommé, d’effacer les tâches de toutes sortes que j’ai partout sur moi, et de changer en une idée de gloire, de pénitence et de vertu, l’idée infâme et sanglante que l’Italie attache à mon nom ?
OLOFERNO. - Vous me dispensez de vous dire mon sonnet ?
GUBETTA. - Comme je dispense les chiens de me mordre, le pape de me bénir, et les passants de me jeter des pierres.
DONA LUCREZIA
Gubetta ! Gubetta ! S'il y avait aujourd'hui en Italie, dans cette fatale et criminelle Italie, un cœur noble et pur, un cœur plein de hautes et de mâles vertus, un cœur d'ange sous une cuirasse de soldat ; s'il ne me restait, à moi, pauvre femme, haïe, méprisée, abhorrée, maudite des hommes, damnée du ciel, misérable toute-puissante que je suis ; s'il ne me restait, dans l'état de détresse où mon âme agonise douloureusement qu'une idée, qu'une espérance, qu'une ressource, celle de mériter et d'obtenir avant ma mort une petite place, Gubetta, un peu de tendresse, un peu d'estime dans ce cœur si fier et si pur ; si je n'avais d'autre pensée que l'ambition de le sentir battre un jour joyeusement et librement sur le mien ; comprendrais-tu alors, dis, Gubetta, pourquoi j'ai hâte de racheter mon passé, de laver ma renommée, d'effacer les tâches de touts sortes que j'ai partout sur moi, et de changer en une idée de gloire, de pénitence et de vertu, l'idée infâme et sanglante que l'Italie attache à mon nom?
-Tu ris à travers tout Gubetta.
-C'est une manière comme une autre.
DONA LUCREZIA : Est-ce que notre commune renommée [...] ne commence pas à te peser, Gubetta ?
GUBETTA : Pas du tout. Quand je passe dans les rues de Spolette, j'entends bien quelquefois des manants qui fredonnent autour de moi : Hum ! Ceci est Gubetta, Gubetta-poison, Gubetta-poignard, Gubetta-gibet ! [...] On dit tout cela ; et quand les voix ne le disent pas, ce sont les yeux qui le disent. Mais qu'est-ce que cela me fait ! je suis habitué à ma mauvaise réputation comme un soldat du pape à servir la messe.