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Août 1930, Indiana. le soir n'en finit pas de tomber sur cette route qui mène à Marvel. Les moustiques s'écrasent sur le pare-brise par dizaines, la forêt bruisse. Il y a comme un air de fête et de fébrilité dans le corps des gens, les Blancs surtout. En voiture, en camion, à pied, ils sont tous en route pour Marvel, la chaleur du mois d'août leur donne des envies de bière, de danse, de rencontres. C'est pas souvent qu'il y a un lynchage, et hommes, femmes et enfants accourent pour voir ça: trois jeunes Noirs, pour l'instant dans leur cellule, accusés de meurtre et de viols, qui vont être arrachés à leurs barreaux, battus, traînés jusqu'au chêne dehors et pendus. On fera la fête sous leurs pieds qui se balanceront encore un peu, on chantera, peut-être qu'on essaiera même d'attraper d'autres "fleurs de maïs" comme on les surnomme ici pour continuer la fête.
De leur côté, les "fleurs de maïs" ont embarqué dans leurs chariots, sur leur vélo ou sont partis à pied dans le sens opposé. C'est pas le moment de traîner dans les parages à moins de s'arrêter pour prier, et il vaut mieux pas non plus rencontrer de ces "soies de maïs" excités par le spectacle qui se prépare.
Sur la route, il y a Ottie, rousse plantureuse qui se laisse peloter par son patron Bud lorsque son mari se concentre sur sa bière, histoire de toucher quelques primes. On ne sait pas trop ce qu'elle en pense de ces lynchages, en fait elle s'en fiche du sort des trois hommes, mais si on peut passer du bon temps, se montrer un petit peu, pourquoi pas.
Sur la route, il y a aussi Calla, orpheline métisse bien remontée contre les soies de maïs et qui fonce dans sa bagnole, haineuse, douloureuse, ne sachant quelle direction prendre, peut-être foncer dans la foule, peut-être sauver les trois hommes, peut-être partir, elle aussi, retrouver sa famille adoptive qui s'est enfuie ce matin...
Il y a dans ce roman une atmosphère lourde et pesante, une densité représentée par cette soirée qui n'en finit pas, par cette route interminable, les arrêts inopinés, les rencontres, les flottements dans les décisions des protagonistes. Je n'ai pas complètement adhéré, à cause de ce sentiment d'être à côté et non dans le récit que je n'ai pas toujours saisi, et à cause, aussi de cette écriture que je n'ai pas vraiment aimée.

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Une journée particulière pour deux femmes Ottie Lee un femme blanche, rousse et pulpeuse et celle de Calla jeune fille noire de seize ans; deux récits l'un après l'autre, un jour particulier en Indiana, celui d'un lynchage annoncé de trois jeunes noirs, en ce mois d'août 1930 à Marvel. Chaleur étouffante, bières et sueur accompagnent ce périple particulier. Il y a d'abord Ottie Lee qui accompagne son boss, Bud avec qui elle flirte de temps en temps, son mari Dale, avec qui il ne se passe plus grand chose d'autre que disputes et mesquineries et en route ils embarquent Pops. Au gré de la route et des rencontres, c'est une plongée dans l'Amérique blanche celle des "soies de maïs", de la crise de 1929, raciste et pauvre qui va au lynchage comme on va au spectacle. Et il y a Calla Destry, jeune "fleur de maïs" qui elle aussi, mais pour d'autres raisons, a pris la route, des rencontres avec des personnes résignées par ce climat de lynchage presque habituel, et qui ne les émeut plus.

Un roman dans la lignée de ceux des écrivains noirs américains, comme Ernest Gaines et surtout Toni Morrison pour la construction des deux récits qui se déroulent sur la même journée mais la chronologie du premier se déroulant après celle du second, d'où une certaine déstabilisation, et des personnages dont je n'ai pas toujours saisi le but, la motivation ou les raisons du voyage. Malgré la belle écriture et le sujet qui s'inspire d'un fait réel - ce qui m'avait attirée - et après la lecture de Neverhome que j'avais beaucoup aimé, je suis restée sur ma faim avec ce roman de Laird Hunt, je pense que je suis passée à côté de ce roman dont la lecture est une petite déception.
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En quelques mots, il s'agit de deux femmes, une Blanche et une Noire, lors d'une journée particulière en 1930 en Indiana. L'une d'elles se rend au lynchage, annoncé comme un événement, de trois jeunes Noirs. L'autre essaye de retrouver son amoureux. de nombreux personnages gravitent autour d'elles, et autour du drame annoncé, qui restera en arrière-plan, tout en étant l'impulsion qui fait avancer chaque protagoniste.
Après Un long moment de silence et Trouble, mes lectures présentent en ce moment des personnages insupportables ou pour le moins ambivalents, et je tombe cette fois pour commencer dans les pensées d'une imbuvable raciste. L'auteur n'a en effet pas choisi d'alterner les deux points de vue, mais de leur consacrer à chacune une partie. Les premières pages sont assez déstabilisantes, et obligent à relire des phrases pour comprendre, puis petit à petit, on s'y retrouve mieux.
Je pense que ceux qui n'ont pas aimé Underground Railroad n'aimeront pas ce roman, à cause du décalage voulu entre la narration et les faits évoqués. La manière trouvée par l'auteur pour nommer Noirs et Blancs (les fleurs de maïs et les soies de maïs) en est l'illustration parfaite, les moments plus oniriques aussi… J'aimerais vous faire sentir à quel point ce roman est déconcertant, ambigu, distillant des doses d'un humour impossible à qualifier, multipliant les rencontres improbables et les actions incertaines, travaillant le langage des deux narratrices pour mieux coller à leurs personnalités, s'évadant dans leurs pensées labyrinthiques…
Des deux personnalités principales, il serait facile de préférer Calla, qui se trouve du côté des victimes, à Ottie Lee, blanche et manifestement raciste, mais ce n'est pas si simple car l'auteur s'applique à dresser de Calla le portrait d'une jeune fille assez inconséquente, à tous points de vue. de plus, l'une comme l'autre ont eu des enfances difficiles et dépourvues d'affection, et n'ont pas reçu les clefs pour comprendre le monde qui les entoure.

Ce roman surprend, car l'unité de temps et de lieu y est des plus précises, une journée de 1930 dans l'Indiana, entre deux ou trois petites villes. Les mouvements des personnages pourraient sembler simples, allant vers Marvel pour les Blancs, fuyant la même ville pour les Noirs… Pourtant, le temps s'étire de manière étrange, quant aux lieux, ils semblent fuir lorsque les personnages les cherchent, ou au contraire se rapprocher dangereusement quand ils les contournent.
Que que soit grâce au thème, puissant, aux personnages, inhabituels, ou au style, pas commun non plus, ce roman est de ceux qui continuent de tourbillonner dans la tête, et ne veulent jamais se déclarer terminés… Après, savoir si on a aimé ou pas, ce n'est finalement pas si important. Je le recommande chaudement à celles et ceux qui aiment être bousculés dans leurs habitudes, et retenus contre leur gré entre les pages !
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Dans ce double road-trip, il y a aussi une troisième femme, ma préférée, solide et mystique, rude et bienveillante. La « dealeuse d'anges ». le sommet qui forme le triangle de l'histoire. Celle qui lie tous les êtres.

La destination n'a aucune importance, seul le chemin l'est, ses obstacles, ses sinuosités, symbole de la tortuosité de l'âme humaine.

Symbole toujours, tout est dilaté, la chaleur de l'été, les voitures, les champs, soulignant à quel point l'humain est petit, fragile. A la merci de ce qui l'entoure et surtout de ses congénères.

Enfermés dans la touffeur de ce crépuscule, les protagonistes s'enfoncent littéralement dans la nuit. le temps est comme arrêté, le tragique suspend l'histoire, à l'image d'une pièce de Tennessee Williams.

Cependant, avec un sens de l'absurde qui souligne encore davantage l'onirisme de ce road-trip qui est un huis-clos “d'extérieur”.

En réalité, les deux jeunes femmes, Ottie Lee et Calla, sont les deux faces du même Nickel (five cents).

Elles ne se voient pas, ne se font jamais face ; à elles seules, le symbole encore de cette Amérique plurielle qui ne s'écoute pas, ne se regarde pas, ne se parle pas.
Pourtant, comme le souligne Laird Hunt, il n'y a que des humains ; pas de Blancs, ni de Noirs.

Dans La route de nuit, nous sommes fleurs et soies de maïs. Licence poétique pour effacer les murs que nous avons dressés, semer la confusion dans nos esprits, le message que la couleur ne devrait, ne doit avoir, n'a, aucune importance.

Plus d'antagonisme, plus d'opposition ; nous sommes une seule plante, nous en constituons la graine, la tige, la fleur et le fruit.
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A partir de l'histoire vraie d'un lynchage perpétré en 1930 en Indiana, Laird Hunt observe les réactions à l'annonce de cet événement. Et en particulier l'allégresse ressentie par la foule. Il met en scène des personnages confrontés à cette exubérance ou à la colère face à ces actes, qui vont profondément changer leur vie, les renvoyant à leurs secrets, mais aussi à leurs rêves. Un roman puissant et dérangeant, qui possède une vraie dimension onirique, comme souvent dans les livres de Laird Hunt...
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« Y a des fleurs de maïs qui ont descendu un soie de maïs et foutu le feu à une centaine de barques puis ils sont partis tout saccager dans la campagne. On les a coffrés mais ils vont pas moisir longtemps en taule. Y a des gars qui sont prêts à les faire sortir de là à coups de masse si le shérif refuse d'ouvrir la porte. »
Bud Lancer annonce ainsi à son employée, la plantureuse et rousse Ottie Lee, le lynchage prévu à Marvel et dans la foulée il part avec elle vers le lieu des réjouissances annoncées, en embarquant au passage son mari, Dale.
C'est Ottie qui raconte leur parcours chaotique pour se rendre dans cette petite ville de l'Indiana proche de chez eux vers laquelle tous convergent, mais qu'ils semblent ne jamais devoir atteindre, Ottie portée par la certitude qu'il va lui arriver quelque chose, une amie à elle qui dialogue avec les anges le lui a annoncé.
Calla Destry, de son côté, fleur de maïs au teint clair âgée de seulement seize ans, décide elle aussi de partir pour le tribunal de Marvel, inconsciente des risques courus et animée seulement par la révolte qui l'habite.
Une destination, deux femmes, dont les chemins finiront par se croiser …

Dans « La route de nuit », il fait chaud, très chaud. Ce qu'on ressent à la lecture et par la force du thème qui renvoie aux heures les plus atroces de l'histoire des afro-américains (l'auteur s'est inspiré des événements survenus le 7 août 1930 dans le comté de Grant (Indiana) et d'une photo montrant la liesse des participants aux lynchages, juste sous les corps des deux Noirs qu'ils ont pendus … ), c'est cette moiteur malsaine qui englue tout, les corps et les esprits, des esprits qui, pourtant, restent conscients de ce qui se passe et de ce qu'ils font.
La première partie du roman, celle où Ottie Lee parle, la met en scène avec les personnages qui l'entourent. Dans ce petit théâtre en plein air, c'est un condensé d'humanité qui s'agite, avec ses failles et ses lâchetés, ses éclats d'honnêteté, des gens ordinaires traînant avec eux tout ce qu'ils ont été (Ottie Lee et son enfance désastreuse qui remonte par bribes), en route vers quelque chose d'extraordinaire mais toujours focalisés sur eux-mêmes. Il y a pourtant des moments où leur route pourrait bifurquer, où l'occasion leur est donnée de prendre du recul comme lorsqu'ils croisent la veillée de prière organisée contre le lynchage, mais soit ils se contentent de suivre passivement le mouvement, soit ils font directement des choix (je pense à l'épisode du chariot) dans la ligne de ce qu'ils ont enclenché.

L'écriture, sinueuse, colle à la peau d'Ottie et, toute littéraire qu'elle soit, avec son foisonnement d'images mais aussi ses passages plus parlés car l'auteur mêle les registres, fonctionne parfaitement : elle nous offre les réflexions et les songes traversant l'esprit de la jeune femme et le personnage se dresse là, entier, dans toute sa complexité, agité sous sa superficialité de surface (une belle plante qui laisse son patron la tripoter pour arrondir les fins de mois) d'envies d'autre chose, rêvant parfois d'un avenir un peu meilleur où, entre autres, on pourrait « oublier les lynchages », comme s'ils faisaient partie du monde dans lequel elle vit et qu'elle ne sait pas (ou qu'elle ne veut pas ?) remettre en question.

Comme Ottie, Calla Destry a connu l'orphelinat, avant de vivre avec ceux qu'elle appelle oncle d'et tante V. Avec Hortensia, ils ont préféré partir en ce jour funeste mais Calla ne les a pas suivis, elle avait un pique-nique prévu au bord de la rivière. Parce qu'elle s'est retrouvée seule à son rendez-vous, elle emprunte la grosse berline jaune de ses parents adoptifs, et prend la route de Marvel, où elle et ses actions ne passent pas inaperçues …
Dans cette seconde partie du roman, l'atmosphère se fait encore un peu plus oppressante car le lecteur s'inquiète pour Calla, jeune fille résolue et téméraire que sa bravoure met en danger. L'hostilité entre les fleurs et les soies de maïs est abordée de manière frontale (y compris telle qu'elle se manifeste chez les enfants), elle peut même surgir quand il n'y aurait pas lieu (Calla rejetant l'attitude apaisante d'un soie de maïs comme s'il était trop tard, trop de limites franchies).

Le récit, habilement construit, agrippe ses deux pans initialement distincts pour les réunir. Certain personnage, déjà rencontré avec Ottie, s'avère de manière surprenante lié à Calla, comme s'il incarnait toutes les facettes ambigües des comportements, l'intime parfois en totale contradiction avec les prises de position publiques.

Chez Laird Hunt, il n'y a pas de Noirs et de Blancs mais des fleurs et des soies de maïs, une ville peut s'appeler Marvel et une carte l'entourer de chemins d'argent, des chiens porter cravate, une présence s'avérer absence, une voiture se couvrir d'yeux scrutateurs et une jeune femme décider de danser dans un champ de maïs. En la teintant d'étrangeté, « La Route de nuit », brûlante, habille la réalité d'une mystérieuse beauté, où la cruauté des faits évoqués brille d'un insoutenable éclat.
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Deux femmes perdues dans la nuit et leurs rêves, le 7 août 1930 en Indiana, le soir d'un lynchage de trois jeunes noirs. Laird Hunt s'empare de cet insurmontable événement historique pour nous en donner une vision intime, déchirante justement dans sa capacité à inventer le vocabulaire et les rêves du drame. À mesure que la nuit s'épaissit et que les rencontres se multiplient, La route de nuit révèle peu à peu les douleurs et surtout les fragiles victoires de trois femmes fortes.
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La nuit du 7 août 1930 lynchage de trois jeunes « fleurs de maïs » dans l'Indiana, l'écrivain LAIRD HUNT nous invite alors à un voyage oppressant au coeur de l'Amérique, une narration déroulante, des dialogues âpres et rugueux, des personnages tourmentés … Un roman troublant livré à l'état brut !
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A nouveau avec Laird Hunt un grand moment de lecture. L'influence des écrivains du sud américain est plus présente ici que dans les romans précédents et j'ai même à un moment fait le lien avec Erskine Caldwell !
Le thème du lynchage de noirs dans un état, l'Indiana, où l'alliance KKK-shérif-église fait toujours des ravages dans les années 1930, soit 80 ans après l'abolition de l'esclavage, n'est pas une nouveauté dans la littérature américaine mais reste très choquant pour un lecteur européen.
Laird Hunt réussit, comme toujours, à captiver son lecteur par un ensemble qui mèle l'unité de temps (24h en tout) avec des réminiscences d'éléments traumatisants du passé des femmes qui prennent successivement le récit à la première personne : Ottie, la "soie de maïs" qui court à la fête malgré un sentiment de malaise grandissant, Calla la "fleur de maïs" qui tente d'intervenir contre les défilés mais risque sa peau elle aussi et sent la haine la submerger, et la "dealeuse d'anges", un peu déphasée depuis un traumatisme cranien mais qui tente de réconcilier les oppositions.
Quoique le final m'ait un peu laissé perplexe, l'atmosphère oppressante et les personnages apparaissant autour de ces 3 figures m'ont vraiment passionés et justifient largement le détour par ce roman d'un auteur américain contemporain qui sait perpétuer et même renouveler une certaine tradition du roman sudiste américain.
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Deux personnages et demie dans ce roman ou l'action se situe essentiellement dans la tête des personnages en question. C'est quelque part intimiste, mais c'est surtout violent même si paradoxalement dans le déroulé lui-même il n'y a pas de violence. C'est un roman très particulier qui dénonce une fois de plus cette Amérique réelle, celle qui n'existe pas dans le discours dominant et médiatique, à ce demander si elle existe dans la tête des Étatuniens eux mêmes... Cette Amérique de peur et de haine.
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