L'exclusion du paradis s'appelle : conscience de soi. Je me souviens quand j'ai ressenti pour la première fois cette lame froide et aiguisée se glisser entre moi et ma peau : oui, je connais avec précision l'instant où j'ai cessé d'être comme la petite Sonya là-haut, capable de courir vers une chose sans rien d'autre en tête que mon désir de cette chose, capable de l'atteindre, de l'avoir, d'être absorbée par elle, comblée par elle...
nos cerveaux tiennent à nous sidérer ; ils connaissent, eux, les délices de la peur.
Chacun de nous transporte en soi le centre de l'univers.
Cela arrive assez souvent: qu'on soit sûr d'une chose, et qu'elle soit fausse.
il n'y a que les mensonges qui m'intéressent. Les miens, en particulier. Même enfant, j'aimais mentir; et depuis que j'écris, le mensonge est devenu ma passion dominante.
Le monde m'est égal. - C'est une cause perdue, dépourvue de sens. - Le sens, c'est moi qui le fabrique.
Mais nos cerveaux tiennent à nous sidérer ; ils connaissent, eux, les délices de la peur. Ils fabriquent à cœur joie de l'irrationnel, du rêve, du sortilège. Ils chérissent les ombres : car ce sont elles qui leur permettent de voyager dans le temps et dans l'espace. Comment ne pas croire à la transmigration de l'âme ? Il nous suffit de fermer les yeux, de prendre notre souffle – et hop ! nous voilà en train d'être aspirés telle une sorcière par la cheminée... ou de dégringoler telle Alice dans un terrier de lapin... ou de voler à travers les airs comme Peter Pan, ou le père Noël ou Sindbâd le Marin !
Ah ! la complexité insondable de ces interactions humaines, chacun de nous se baladant avec ses petits critères selon lesquels on juge les autres, tout en s'efforçant de répondre à leurs critères à eux – mais discrètement, sans en avoir l'air, en faisant semblant de n'être que soi-même et de n'avoir besoin de l’approbation de personne...
Me débarrasser de mes enfants m’a affectée autant que de jeter aux toilettes un scarabée trouvé sur le sol, remuant les pattes dans l’air. Une minuscule détresse ; terminé.
Mes parents m’avaient appelée Nadia et quand il m’est devenu clair que I, le je, n’existait pas, je l’ai éliminé. Dorénavant mon nom, mon petit nom, mon nom de plume, mon seul nom restant, c’est : Nada. Le néant. L’initiale N m’enchante au plus haut point. Selon certain auteur français du siècle dernier [Nodier], ce phonème est singulièrement apte à exprimer des idées de négation, d’anéantissement et de nihilisme, et j’ai tendance – Nil Nul Nix Niet- à lui donner raison.