Toujours est-il que je me sens apaisée, guérie à force d'avoir pleinement éprouvé le caractère humain d'une grossesse humaine : elle m'a restitué mon corps, qui est un corps humain, c'est-à-dire pensant.
Selon la formule d'un ami québécois, quand deux êtres s'aiment, ils ne font bientôt plus qu'un : le tout est de savoir lequel des deux.
Elle est entrée dans le temp de la folie, le temps nervalien de "l'analogie universelle", le temps merveilleux et abominable où tout signifie.
Contre toute attente et surtout contre ma volonté, ce passé a grimpé sur le dos de mon présent et s'est mis à le grignoter, à la bouffer comme une bête obscène.
...j'étais contenue par la chambre comme l'embryon était contenu par moi, j'étais sa chambre à lui, je me suis demandé si, quand je prenais une douche, il entendait le jet d'eau sur mon ventre de la même manière que j'entendais la pluie sur le toit...
Le journal est un genre littéraire qui scande le temps.
Seulement, bien sûr, le temps est inscrit dans le corps d'une femme comme il ne l'est pas dans le corps d'un homme : par ses règles (vingt-huit jours), ses grossesses (neuf mois), l'étendue limitée de sa fécondité (trente ans), la femme est l'horloge impitoyable de l'espèce.
Mon but en écrivant ce journal est de mettre en doute l'innocence - non pas de tel ou tel artiste, mais des métaphores dont se pare la création artistique, afin de continuer à paraitre aussi asexuée et inattaquable qu'un ange... exterminateur.
Changer en joies présentes les douleurs passées est sans doute une des meilleures définitions qu'on puisse donner de l'activité littéraire en tant que telle...
selon les vieilles règles du jeu de la séduction, l'ambition artistique est un atout pour un homme et un handicap pour une femme ; l'amour rend l'homme plus éloquent et fait perdre à la femme tous ses moyens ; la réussite intellectuelle rend un homme plus "viril" et une femme moins "féminine"...