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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'ai lu tout récemment "Les Chuchoteurs", ouvrage de l'historien Orlando Figes portant sur la vie quotidienne sous la dictature de Staline. Dans cette somme passionnante de plus de mille pages, publiée en deux volumes, une large place est faite au terrible destin des koulaks, ces millions de paysans "aisés" — sachant que posséder un cheval ou gagner quelques roubles en confectionnant des articles de cuir suffisait à entrer dans cette catégorie... — impitoyablement réprimés en URSS dans les années 30. Dans le cadre de l'opération Masse Critique, j'ai ainsi jeté mon dévolu sur "Zouleikha ouvre les yeux" afin de rester dans le thème : en effet, le roman de Gouzel Iakhina revient sur ces événements historiques dramatiques, en mettant à l'honneur une paysanne tatare déportée dans la lointaine Sibérie. Je remercie les Éditions Noir sur Blanc de m'avoir donné l'opportunité de le lire... Même si j'en ressors avec une impression assez mitigée.

L'histoire de Zouleikha peut être découpée en quatre grandes périodes, qui ne correspondent pas forcément au découpage en quatre parties voulu par l'auteur. Il y a d'abord la vie quotidienne de cette paysanne, simple et naïve, qui n'a jamais franchi les limites de son village ; puis l'arrestation et le long voyage pour une destination inconnue, dans un wagon surpeuplé où les déportés meurent par dizaines ; l'arrivée en Sibérie, sur les rives de l'Angara, où il s'agit désormais de s'organiser pour survivre dans des conditions éprouvantes ; enfin, le passage des jours ordinaires dans une "colonie de travail" devenue prospère. Cette trame est d'ailleurs révélée dans une quatrième de couverture qui, à mon sens, en dit beaucoup trop...

J'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman, et pourtant, avec le recul, la première partie dans le village tatar, où l'on mène une existence quasi médiévale, où les traditions musulmanes se mêlent aux superstitions ancestrales, est peut-être la plus aboutie, car la plus touchante, celle qui sonne le plus juste. La suite est également de bonne facture, et j'ai plus d'une fois songé au cours de ma lecture que l'auteur faisait montre d'une belle maîtrise de son sujet, surtout pour un premier roman. Il m'a néanmoins fallu admettre que celui-ci ne m'était malheureusement pas "allé droit au cœur", pour reprendre les mots de Ludmila Oulitskaïa en préface. Peut-être à cause de ma lecture toute fraîche des "Chuchoteurs", je n'ai pas été bouleversé par Zouleikha : son sort m'a presque paru enviable en comparaison de celui de dizaines d'autres Soviétiques révélé sous la plume d'Orlando Figes — témoignages qui pour le coup font réellement froid dans le dos et nouent l'estomac. La souffrance, la maladie, la famine, la mort, sont bien entendu présents tout au long du roman, mais Gouzel Iakhina met plus volontiers l'accent sur la solidarité, l'amitié, l'espoir ; c'est un choix tout à fait défendable, même s'il peut être quelque peu gênant de voir l'horreur du système pénitentiaire soviétique ainsi atténuée... Zouleikha finit d'ailleurs par se sentir plus libre en Sibérie qu'elle ne l'était dans son ancienne existence de paysanne soumise à un époux et une belle-mère tyranniques.

Outre ce parti pris de dépeindre une "captivité supportable" une fois passées les épreuves du premier hivernage, je n'ai pas du tout adhéré à la narration dans cette quatrième période du roman. Les trois premiers quarts du récit se déroulent sur quelques mois, au cours des années 1930-1931. En revanche, le dernier quart adopte un tout autre rythme puisqu'il survole quinze années d'existence de la colonie pénitentiaire. Ces cent et quelques dernières pages m'ont paru un interminable épilogue. La maîtrise dont Gouzel Iakhina avait fait preuve durant le premier tiers s'est soudain envolée : c'était comme si elle ne savait soudain plus où aller, comme si elle avait perdu le fil de son propre récit, alignant des scènes confuses et sans grand intérêt, allant jusqu'à perdre de vue Zouleikha elle-même pour lui préférer des personnages qui auraient dû rester secondaires. À mes yeux, cette trop longue fin qui ne veut pas finir gâche en partie l'expérience de lecture, fort intéressante par ailleurs, que fut "Zouleikha ouvre les yeux".

Mon jugement est sévère, car j'attendais sans doute trop de ce roman qui est, rappelons-le, le premier de son auteur. Malgré ma relative déception, je garderais néanmoins le souvenir de quelques très belles scènes et d'une jolie plume... Tout en invitant les lecteurs attirés par ce type de roman à lire "Zouleikha ouvre les yeux", qui figurera sans aucun doute dans le haut du panier de ce que nous propose la rentrée littéraire.
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Gouzel Iakhina possède un indéniable talent de conteuse. Son livre Zouleikha ouvre les yeux raconte une page de l'histoire russe et le quotidien sibérien de dékoulakisés.

Un peu à l'eau de rose avec des personnes prévisibles, méchants ou gentils, mais, un roman qui vaut la peine d'être lu.
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Dans la campagne tatare, près de Kazan, vit Zouleikha. Cette jeune femme, mariée il y a peu à un homme plus âgé qu'elle subit ses violences quotidiennes et les moqueries de sa belle-mère. Nous sommes au début du 20ème siècle et les habitudes ancestrales des Tatares empêchent l'adolescente de faire quoi que ce soit d'autre que trimer pour son foyer et craindre Allah, Celui-qui-voit-tout. Mais alors que le village attend les Russes auxquels ils doivent payer un tribu, une rencontre entre des Révolutionnaires, Zouleikha et son mari tourne au vinaigre et ce dernier est tué de sang-froid par le jeune Ignatov. Suite à cela. Zouleikha sera emmenée de force, en tant que Koulak ou propriétaire terrien anti-soviétique, dans un train l'emmenant bien au-delà de son monde, au-delà des montagnes, dans la Sibérie profonde.

Le train des dékoulakisés comprend un surprenant mélange d'ethnies non-russes, de vieux bohèmes riches sous les tsars, de personnes étranges, d'alcooliques et de tout ce que le nouveau régime appelait "vermine" d'une manière ou d'une autre. Parmi les nouveaux amis de bagne de Zouleikha se trouvent, entre autres, un vieux gynécologue fou à lier, qui croit se trouver dans la torpeur moite de sa chambre pétersbourgeoise alors qu'il gèle dans un wagon en partance vers l'inconnu, un vieux peintre rêveur, une ancienne dame du régime impérial qui ne perds pas ses nerfs ni son chapeau mais aussi le meurtrier du mari, Ignatov. Lui, chargé dans la précipitation du convoi, croit dur comme fer être victime d'erreurs et ne cherche que retrouver l'opulente poitrine de l'une de ses nombreuses conquêtes sexuelles à Kazan, et crois faire bien son travail de bon petit soldat du Parti.

Tout le synopsis du premier livre de Gouzel Iakhina respire le malheur, la cruauté humaine et l'absence d'espoir. Dès les premières pages, on fait connaissance avec Zouleikha, jeune femme courageuse, qui a perdu trois enfants déjà, et qui subit la vie et le joug des autres sans n'imaginer une seconde qu'il ne s'agisse autre chose que son destin, voulu par Allah tout-puissant. Puis le train de l'enfer où nombreux des déplacés mourront, avant d'arriver au bout du monde, là où même Dieu ne regarde plus, empire des moustiques et des bêtes sauvages. Certains passages virent carrément au mélodramatique, et on a peine à s'identifier ou trouver vraisemblable ce qui arrive à la pauvre héroïne. On sent malgré tout que l'autrice connait son sujet et, Tatare elle même, décrit avec précision les mythes et l'état d'esprit qui habitent son personnage. Ce n'est que lorsque Zouleikha est emmenée, qu'on découvre Ignatov et que certains chapitres nous comptent la vie de personnages secondaires (ou carrément de figurants) qu'on se comprend la portée de ce livre.

Plus qu'une histoire personnelle, Zouleikha ouvre les Yeux est l'épopée sordide de milliers de personnes déplacées sans raisons vers l'extrême-orient de la nouvelle URSS. A travers son périple on écoute ci et là des bribes de vécus. Mais en se concentrant sur une histoire "pire que les autres" peut-être, on perd souvent le cadre global cherché par Iakhina. Comme dans son roman suivant, Les Enfants de la Volga, on sent chez l'autrice un amour pour les dieux anciens, ceux qui régissent les forêts profondes, les montagnes imposantes et les rivières fourbes. Ici et là se cachent un démon de la taïga, un esprit animal ou peut-être le regard d'Allah lui-même. Et comme dans son second roman, il s'agit de la grande force de cette nouvelle voix de la littérature russe. Même si ici on sent que la voix en question déraille encore un peu, cherche son timbre et louvoie autours des notes correctes, les atteignant souvent mais en ratant quelques unes au passage.

Il y a peut-être trop dans Zoueikha ouvre les Yeux ; peut-être qu'avoir voulu écrire l'épopée d'une femme, le récit d'une Tatare et l'histoire de la dékoulakisation était trop. Les premiers chapitres sont hélas trop dures pour entrer dans le récit et tout ce qui amène au dénouement final trop flou pour qu'on ressente les mêmes émotions que les personnages. Il y a du talent, chez Gouzel Iakhina, et on trouve dans ce premier livre quelques phrases exceptionnelles, qui arrachent une larme, une volonté de raconter le réel tout en n'oubliant pas qui sont les personnages. Si Les Enfants de la Volga a été l'un de mes livres préférés de 2023, on ressent ici tout les éléments qui, une fois qu'ils seront travaillés, feront de l'autrice la figure de proue d'une nouvelle génération d'écrivains qui raconte la diversité de la Russie d'aujourd'hui et son histoire sanglante. Pour moi, un jour, Gouzel Iakhina recevra le prix Nobel de littérature. Il me tarde de me lancer dans son dernier ouvrage qui promet peut-être d'être son meilleur !
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✒️URSS 1930, Zouleikha, jeune paysanne tatare musulmane, est mariée depuis l'âge de 15 ans à un homme rustre beaucoup plus vieux qu'elle et a déjà perdu 4 filles à la naissance.
Maltraitée par son mari et par sa belle-mère tyrannique, elle reste soumise tout comme elle est soumise aux esprits dans un monde peuplé de superstitions.

✒️Staline mène une politique de terreur et de répression, les activistes bolchéviques font des razzias et confisquent les produits agricoles puis les terres.
Les koulaks (paysans) sont chassés, le mari de Zouleikha est assassiné par la horde rouge dirigée par Ivan Ignatov et Zouleikha se retrouve déportée en Sibérie dans un goulag.
Ignatov prend le commandement du convoi.

✒️Cette ️petite femme frêle qui était l'esclave de sa famille va se révéler d'une force incroyable pour survivre contre le froid et la faim, d'autant plus qu'elle découvre qu'elle est enceinte ...
Va-t-elle pouvoir mener à terme cette grossesse ? elle se dit que ce sera sûrement encore une fille et qu'elle mourra comme ses soeurs ...
Des liens vont se créer avec les autres "déplacés" et paradoxalement avec Ignatov aussi.
Il est dur mais juste avec eux car lui-même est en quelque sorte déporté, son supérieur pressentant sa prochaine arrestation en tant que trotskiste le sauve en le chassant de Kasan.

✒️ je ne vais pas vous en dire plus, on va suivre le destin de Zouleikha sur une quinzaine d'années.

✒️Dans la tradition des romans russes, l'auteure s'est inspirée de l'histoire de sa grand-mère.
Un roman dur, très dense et fouillé, trop à mon goût ... j'ai trouvé cette lecture intéressante mais je n'ai pas été emportée par ce récit malgré un début très prometteur.
C'est une écriture cinématographique où on visualise très bien les paysages et ces millions de personnes massacrées ou déportées dans des conditions inhumaines qui ne sont pas sans nous rappeler l'holocauste mais je me suis détachée de la fiction et des personnages de par trop de descriptions ...
Ce roman est sorti en 2015 en Russie et a remporté là-bas plusieurs prix littéraires 📚
Et vous l'avez-vous lu ?
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Au coeur de la province du Tarstatan des années 30, Zouleikha est maltraitée par son mari et surtout sa belle-mère. Dans les premiers chapitres, on apprend à la connaitre et elle devient très vitep attachante. Obligée de se marier à l'âge de 15 ans, elle est aujourd'hui naïve, illettrée, maladroite mais au coeur immense. Après la mort de ses 4 petites filles, elle nourrit les esprits de la taïga afin de les protéger.

Suite à une attaque de l'armée rouge, son mari est assassiné par le commandant et elle est déportée avec les autres Koulaks en Siberie.
Plusieurs koulaks vont décéder durant ce long trajet. Ils seront finalement abandonnés avec le commandant aux berges d'un fleuve. Ils doivent alors apprendre à survivre au coeur de l'hiver sibérien.

J'ai beaucoup aimé ce roman où on apprend beaucoup sur cette dekoulakisation orchestrée par Staline qui a pour but selon les Bolcheviks de déporter les paysans susceptibles de s'opposer à la collectivisation forcée et de coloniser les vastes étendues de la Sibérie.

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J'ai lu la préface de ce roman après juste une vingtaine de pages de ce récit , alors que je ne lis jamais les préfaces. Pour être honnête, je l'ai même relue après une autre vingtaine de pages … Interloquée par l'écriture, le personnage, les lieux et l'univers Tartare. D'où sortait ce texte : un vintage ressurgi des affres des archives de la censure stalinienne, un imitateur post mortem de Gorki ( mais qui aurait été de l'autre bord) ? L'écriture est si descriptive, attentive à tout bien situer dans la maison de l'héroïne qui s'éveille à peine, qu'elle m'a reportée à mes souvenirs de ces grands romans naturalistes que je dévorais, ado ( Gorki, quoi …). le réalisme russe au service de la cause, les paysans englués dans la terre nourricière, les us et coutumes quasi médiévales qui relègue la femme au rang de domestique, l'importance des semences, les réserves de boudins de cheval, les feuilles de bouleau de la Barria, les couches de chaussettes à enfiler dans un ordre bien précis ( en poil, en laine, en fil …). Mais en fait, j'avais tout faux, il s'agit d'un roman récent d'une autrice tartare, une nouvelle voix qui s'attache à retranscrire les temps d'une révolution qui affame les populations et les plie au nouvel ordre politique. La dékoulakisation. C'est à dire la déportation ( le régime disait le déplacement, on connait le goût des régimes totalitaires pour les euphémismes) des paysans coupables de crime de propriété.

C'est le cas de Mourkaza, le mari de Zouleika, plus âgé qu'elle, une brute épaisse qui idolâtre sa sorcière de mère, La Goule. Zouleikha, c'est la Cendrillon, soumise à la tyrannie domestique de ce couple, profondément croyante, infatigable, même épuisée, sans une once de révolte en elle. A travers l'énumération de ses corvées domestiques, on découvre un monde rural archaïque dont les exigences de la NEP ont vidé les réserves de blé, de bétail, de tout ce qui aurait pu être caché.

Mais cette fois-ci, ce sont les hommes eux mêmes que les officiers et les troupes de la révolution viennent chercher. Parmi eux, Ignatov, plutôt fringuant et déterminé à mener à bien sa mission pour la grande cause. Il a à peine croisé les yeux verts de Zouleikh, qu'il abat son mari, rétif aux dons spontanés de ses richesses. Voilà la jeune femme veuve et embarquée avec une cohorte d'inconnus vers un camp qui n'existe pas encore. L'odyssée est ferroviaire, avant d'être concentrationnaire.

Les aléas bureaucratiques, incohérents et ubuesques qui jalonnent leur parcours auraient pu être satiriques, mais l'autrice a opté pour une sorte de neutralité descriptive et a doté le pauvre Ignatov d'une conscience. A la tête du convoi, l'officier se ronge les sangs. Ballottés de gares en gares, quasiment décimés par la violence du climat, la faim, les maladies, il ne pense qu'à en sauver les plus possible de ces ennemis de la victoire du prolétariat. Au point d'en devenir un quasi ange gardien.

Evidemment, l'idéalisme, c'est bien pour faire un roman mais quand même, je me frotte un peu les yeux. Ignatov, devenant un héros presque humaniste, Zouleikha, elle, c'est mère courage. Elle résiste à tout. Elle sort de l'obscurantisme au contact des autres déportés, accouche en pleine tempête sibérienne grâce à l'improbable docteur Leibe qui retrouve la mémoire miraculeusement, accomplit sa propre révolution vers une forme d'autonomie, et même laisse la porte ouverte à la sensualité …

La rééducation au Goulag prend presque des allures de camp communautaire où on peut ( avec quelques roueries quand même) accomplir son destin … Je n'ai pas lu Soljenitsyne, mon admiration pour Gorki a pris un sérieux coup dans l'aile, je ne connais pas beaucoup les oeuvres des écrivains dissidents actuels mais quand même, si Zouleikha ouvre les yeux, je me demande quand même sur quoi exactement …
Lien : https://aleslire.wordpress.c..
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