RUBEK : Non, te dis-je, ce ne sont pas de vrais portraits.
MAJA : Qu'est-ce donc ?
RUBEK : Il y a dans ces bustes et derrière ces bustes quelque chose de suspect… quelque chose qui s'y dérobe, qui s'y cache sournoisement, et que les hommes ne peuvent distinguer.
MAJA : Vraiment ?
RUBEK : Je suis seul à le voir. Et je m'en amuse en secret. Extérieurement, on y remarque cette « ressemblance frappante » dont les gens s'ébahissent, s'émerveillent… Mais là, bien au fond, se dissimule tantôt une brave et honnête moue de cheval, tantôt le mufle d'un âne entêté, ou une tête de chien au front plat, aux oreilles pendantes, ou bien encore un groin de porc bouffi, parfois aussi l'image d'un taureau stupide et brutal.
MAJA : En un mot, tous nos bons animaux domestiques.
RUBEK : Oui, Maja, rien que nos bons animaux domestiques… ceux que les hommes ont défigurés et qui les ont défigurés à leur tour.
Acte I.
MAJA : Vous voulez donc vous faire rapiéceur, monsieur le propriétaire ?
ULFHEIM : Pourquoi pas ? Si nous essayions de coudre ensemble toutes ces guenilles… nous arriverions peut-être à obtenir une sorte de trame qui ressemblerait à celle d'une vie humaine !
Acte III.
RUBEK : Tu prends tout si cruellement à cœur, Irene !
IRENE : Tu as peut-être raison. Secouons donc ce qui nous oppresse et nous fait souffrir.
Acte II.
La dernière pièce d’Ibsen, écrite peu avant sa mort et qualifiée par l’auteur lui-même « d'épilogue dramatique » a des airs de testament autobiographique.
Rubek, sculpteur vieillissant est parvenu à la renommée internationale avec une oeuvre baptisée « Le Jour de la résurrection ». Des années plus tard, Rubek marié à Maja, une femme beaucoup plus jeune que lui, retrouve Irène, le modèle de sa célèbre sculpture, avec qui il a eu une relation passionnée. Rubek est persuadé que le départ d’Irène a sonné la fin de son inspiration créatrice et tente de la convaincre de lui redonner cette force. Théâtre online.com
RUBEK : C'est un chef-d'œuvre ! Ou, du moins, il a commencé par l'être… Non, il l'est encore ! Il faut, il faut, il faut que ce soit un chef-d'œuvre !
MAJA : Mais, Rubek, le monde entier sait cela…
RUBEK : Le « monde entier » ne sait rien, ne comprend rien !
MAJA : Du moins, se doute-t-il de quelque chose…
RUBEK : Oui, de quelque chose qui n'existe pas… de quelque chose qui ne m'a jamais passé par la tête. Oh ! voilà pourquoi il tombe en admiration ! On perd sa peine à s'user pour le vulgaire, pour la masse… pour le « monde entier »…
Acte I.