« C’est vraiment un beau jardin », remarqua Mitsuko puis elle se tut et se replongea dans sa contemplation.
L’austérité et le dépouillement de ce jardin recouvert de sable blanc, avec juste quelques pierres posées çà et là, ne manquaient pas d’émouvoir le spectateur.
Son abondante chevelure bouclée étalée sur le drap, Nami était allongée sans aucune servilité, l'air calme, comme si elle ne ressentait aucune gêne. Était-ce lascivité de sa part ou l'effet d'une ignorance presque enfantine ? Lorsque Sugi aperçut la peau blanche de ses beaux seins qui se soulevaient dans la pénombre au rythme de sa respiration, lui qui avait mené une vie d'abstinence se sentit trembler de désir.
Il referma le livre d’un coup sec. Il sortit de la pièce et marcha en direction de la falaise. Là où la mort l’attendait.
« - Mais en dehors de l’amour, qu’est-ce que vous désirez le plus ? » insista Nami sur le ton d’un enfant qui réclame un jouet. Sugi pourtant se mit à réfléchir sérieusement à la question de savoir s’il ne désirait pas quelque chose. C’était difficile à dire. Le corps d’une femme, peut-être, pensa-t-il. Ce qu’il désirait c’était de se laisser glisser dans un sommeil profond entre les draps frais et légers, délicieusement fatigué, auprès d’une femme, n’importe laquelle.
oui, comme ce serait émouvant de voir la jeune femme évoluer avec vivacité dans cette nature aux couleurs de l'automne! Ou alors les environs du pavillon d'argent: la ligne douce des collines d'Higashiyama, le bois de pins rouges et le canal feraient briller de plaisir les yeux noirs de Mitsuko qui disait aimer le dessin.
Le Jardin de Pierres
Sugi resta un long moment réveillé dans la froide lumière du petit matin; Nami dormait sans un souffle. Il souffrait en repensant à la façon distante et calme dont, quelques heures auparavant, elle avait subi son désir. Cependant, il essaya de se consoler un peu au souvenir du contact de ses bras minces et froids autour de son cou.
Tout compte fait, j'aime Kanako, se dit-il un soir, après le départ d'un ami venu chez lui pour lui proposer quelqu'un. Et il repensa à cette nuit, peu de temps avant la disparition de sa femme : une nuit au moins, pendant les cinq années passées dans cet appartement, il avait réchauffé de son amour ardent le corps glacé de Kanako. Réchauffer de sa propre chaleur un corps irremplaçable et attendrissant, qu'était-ce sinon de l'amour ?
Et il repensa au voyage à Hakone, sans émotion particulière, comme s'il observait le mouvement des vagues, ne sachant s'il fallait en rire ou en pleurer.
Extrait du récit "Anniversaire de mariage"
Alors une idée traversa l'esprit de Sugi, de Sugi qui s'était efforcé de ne pas y penser depuis qu'il avait quitté Tôkyô, une idée qui venait de loin, de très loin, d'infiniment loin : "Et si j'essayais de vivre ?"
Il y a des gens qui prétendent que la gloire est due à une accumulation de malentendus. Il doit en être de même du déshonneur.
En revoyant cet endroit, Uomi se sentait envahi de nostalgie. En treize ans rien n'avait changé . Le vent soufflait. Le même vent. La blancheur des murs, les entrelacs de pierre, tout était exactement identique.