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Critique de pchion


Beaucoup plus connu, à la fin du XIXème siècle que son « outsider » allemand, Karl Marx, le philosophe PJ Proudhon est une personnalité politique qui m'intéresse grandement d'autant que je partage un certain nombre des valeurs éthiques et politiques qui étaient les siennes. Je crois qu'il vaut mieux étudier l'oeuvre originale de ce père fondateur de l'anarchisme, ou bien lire l'une des nombreuses biographies qui lui ont été consacrées par d'autres auteurs, plutôt que de lire cette réinterprétation droitière écrite par Thibault Isabel. La manoeuvre est habile, d'autant qu'elle est appuyée par un Michel Onfray, philosophe de plateau télé, louvoyant entre une réputation de libertaire et des sympathies droitistes de plus en plus glauques. Thibault Isabel était, quant à lui, collaborateur de la revue de sociologie « Krisis », aux côtés de gens comme Alain de Benoist, pudiquement étiqueté « Nouvelle droite ». Il participe maintenant à « Front Populaire » revue « ni de droite, ni de gauche », parrainée par Michel Onfray, mais largement ouvertes aux thèses de l'extrême droite. Histoire de mélanger un peu plus les repères politiques, ces gens s'autoqualifient de « souverainistes ». On s'approprie des concepts ou des personnalités célèbres, traditionnellement apparentés à « la Gauche » pour appâter le chaland. Un bel exemple de récupération sémantique dont cette brochette de « penseurs » est capable pour essayer de dorer un peu un blason qui n'a rien de reluisant !
La personnalité de PJ Proudhon a séduit plus d'un des « philosophes » de cette Nouvelle Droite. L'extrème sincérité de ce penseur, alliée à la précocité et au manque de clarté de certaines de ses thèses facilitent la manipulation. Il y a certes de brillantes analyses dans le travail de Thibault Isabel, mais surtout une volonté d'intégrer ce socialiste de la première heure dans sa propre manière de voir les choses. de nombreuses techniques de manipulation sont à l'oeuvre : paraphraser certains énoncés plutôt que de les citer, ce qui permet de les déformer à volonté, omettre ce qui peut déranger l'ordre de l'édifice intellectuel en cours de construction, partir d'un ensemble d'hypothèses pour élaborer des conclusions peu conformes à l'éthique de l'auteur… L'ensemble, plutôt bien écrit, coule comme de l'eau de source, et le lecteur se laisse doucement bercer par une romance pas toujours conforme à la réalité des faits. Mais plus on avance dans la lecture plus il y a de quoi être surpris, quand on apprend finalement que Proudhon avait de fortes sympathies pour les thèses royalistes. Ainsi, page 84 : « Proudhon ne se serait pas nécessairement opposé à ce que le garant de cette unité fut désigné par l'hérédité plutôt que par l'élection ». Sans commentaire…
Le titre : « l'anarchie sans le désordre » laisse la porte ouverte à une large redéfinition des concepts. Ayant trouvé les paroles de la chanson anarchiste « la mahknovchina » sur un site d'extrême droite dressant l'inventaire des soulèvements populaires, plus grand chose ne me surprend de la part de certains maquignons. Ne pas confondre, dans la mêlée, libertaire et libertarien, vous risqueriez de ranger dans le même chapitre de l'encyclopédie sociale Trump et Bakounine, le Pen et Louise Michel… !
J'ai reçu cet ouvrage dans le cadre d'une opération « masse critique » ; je ne connaissais pas la biographie de l'auteur, et je m'attendais pas à ce genre de choix éditorial de la part des éditions « autrement » (mais il faut se rappeler que cette maison fait partie des éditions Flammarion depuis 2010). Si vous ne connaissez pas la vie et l'oeuvre de PJ Proudhon, ce n'est pas par ce biais, plutôt trouble, qu'il faut les découvrir.
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