Livre achevé samedi dernier dans la nuit, sans tambour ni trompette. Cet auteur me déstabilise : autant j'ai été retournée complètement par
Auprès de moi toujours (un de mes livres fétiches), autant je suis passée à côté de celui-ci. Rien à voir en fait. Enfin j'exagère, on reconnait la touche Ishiguro, cette manière d'aborder des sujets parfois durs avec simplicité, sans fioriture, cette atmosphère toujours empreinte de mélancolie et cette approche onirique typiquement japonaise.
Un artiste du monde flottant… C'est beau non ? Rien que le titre déjà, c'est tout un poème. C'est lui qui m'a attiré vers cette lecture en dépit du fait que la quatrième de couverture ne parvenait pas à m'atteindre. Alors oui, le livre porte bien son nom, au fil des pages le narrateur semble flotter lui même de plus en plus, un vieil homme perdant pied, perdu entre ses souvenirs de jeunesse et un présent qu'il a de plus en plus de mal à comprendre. En accord avec son thème, le récit aussi est flottant, le lecteur est ballotté entre souvenirs flous, rêveries délicates, impressions de peintre et on est obligé bien souvent de deviner des faits à partir d'allusions très vagues. Et d'ailleurs, rien n'est jamais confirmé, ça reste flottant.
Au-delà de l'histoire, du questionnement sur la place de l'artiste dans la société, le personnage d'Ono pourrait tout aussi bien symboliser son pays, ce Japon qui se relève tout juste du désastre de la seconde guerre mondiale, ce pays défait qui éprouve un sentiment de honte tellement puissant que l'évocation de cette période devient tabou.
Écartelée entre sa beauté médiévale et son effarante modernité, la réalité de ce pays n'est-elle pas flottante elle aussi ?
Au final, je dois dire que j'ai eu du mal à rédiger cet avis, ça m'a pris un temps fou, et en y repensant, je ne peux plus dire que je suis passée totalement à côté de ce livre : il se diffuse par petites touches et son charme réside dans quelques impressions qui vont rester en suspend… Il est des lectures qui se savourent après.