John Paul : l'ennemi à abattre. Celui que Clavis Shepherd et son groupe ont raté lors de leur mission précédente (
Genocidal Organ 1). Cet homme au visage inconnu qui semble posséder un pouvoir phénoménal : là où il passe, le chaos dévaste le pays, la mort et la désolation règnent en maitre. Qui est-il ? Quel est son but ?
Heureuse surprise, ce deuxième volume est beaucoup plus riche, beaucoup plus dense que le précédent. Dans le tome 1, les auteurs mettaient en place les personnages et l'univers, sombre et macabre : des héros, sortes de machines à tuer, sans conscience apparente. Mais un leader fragilisé par des rêves de plus en plus forts et perturbants, où sa mère, cadavre écorché, lui servait de guide. On retrouve ces parenthèses oniriques et cauchemardesques dans cet opus.
Mais on découvre aussi où veulent nous emmener les auteurs. Car, pour retrouver
John Paul, les équipes américaines envoient Clavis à Prague. C'est là que vit une ancienne maitresse de l'assassin recherché. Elle enseigne le thèque lors de cours particulier à son domicile. Pendant les discussions qu'elle a avec Clavis,
Project Itoh met en avant, pour l'invalider, la théorie de Sapir-Whorf qui veut que le langage peut influer sur les individus et leur comportement. On retrouve cette idée dans les célèbres Langages de Pao de
Jack Vance et
Babel 17 de
Samuel R.Delany. Mais ici, l'auteur va plus loin. Selon lui, et selon
John Paul, le cerveau reconnaît une grammaire du génocide. Si on place les bons mots au bon endroit dans les textes entendus par une population, on peut déclencher un massacre. Et c'est ce que fait ce brillant chercheur. Là encore, comme dans « La Machine à indifférence », l'auteur nous conduit dans la part sombre de nos sociétés, avec les génocides et autres massacres difficiles à comprendre vus de loin tant ils sont intenses et violents.
La société décrite par
Project Itoh est très centrée sur la surveillance. On ne paye plus du tout en espèces, mais avec un scan des empreintes de la main. le moindre déplacement est enregistré, vérifié. La vie privée disparaît au profit d'une probable sécurité : le terrorisme a réussi à instiller cette peur suffisante pour que la population américaine abandonne ses secrets en espérant, en échange, ne pas subir d'attentat. Réflexion sur le prix que l'on est prêt à payer pour ne pas risquer d'accident. On peut aller plus loin avec le principe de précaution. Beaucoup d'entre nous sont prêts à céder énormément si on nous promet que nous pourrons mener notre vie sans drame inattendu. C'est en partie le discours de
John Paul quand il compare les États-Unis et l'Europe, où la surveillance est moins drastique et où, dans certains bars, on peut encore utiliser des billets de banque. Cela me rappelle ma lecture actuelle, IA 2042 de
Kai-Fu Lee et
Chen Qiufan, qui évoque les progrès futurs de l'intelligence artificielle et les conséquences, plutôt bénéfiques selon eux, de ces améliorations. Toujours la même question : qu'est-on prêt à abandonner pour obtenir quel bénéfice ?
Nous sommes au coeur du récit et
Genocidal Organ monte en puissance. Ce deuxième tome m'a conquis et convaincu de terminer, non par obligation, mais par choix, cette trilogie. Même si j'ai toujours du mal avec les mentons proéminents des personnages (dès qu'ils sont de profil, je tique), j'apprécie le scénario riche, les dessins dynamiques et la variété des plans qui rend l'histoire encore plus passionnante. J'attaque le 3.
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