"Aimer c'est comme partir à la guerre.On sait pas si on reviendra vivant."
Il s'assit au bout du quai. Les pieds ballants au-dessus de l'eau. Le J4, derrière lui, dressait sa silhouette sombre et grise. Le dernier fantôme de la ville. Il n'était pas nostalgique, Gérard. Triste seulement. Et fatigué. Les rêves de la ville n'épousaient plus ses rêves. Pour la première fois, ils se sentit étranger chez lui. Sur les quais. Et dans sa vie, forcément.
Il jeta sa cigarette dans l'eau, après avoir tiré une longue bouffée qui lui brûla les doigts. C'était une belle nuit d'automne, putain ! L'odeur qui montait de la mer était la plus belle odeur qu'il connaissait. Et ce soir, ça sentait particulièrement bon. Un gabian passa au-dessus de lui en gueulant.
Gérard plongea. Il ne savait pas nager. Il n'avait jamais su.
- Tu racontes n’importe quoi. Le malheur, c’est parce qu’on vit dans une société où seul compte le profit. Le malheur, pour nous, pour des milliers de gens, c’est le capitalisme.
Je vidai mon verre cul sec et me levai. J'avais envie d'aller me perdre dans Marseille. Dans ses odeurs. Dans les yeux de ses femmes. Ma ville. Je savais que j'y avais toujours rendez-vous avec le bonheur fugace des exilés.
Le seul qui m'allait. Un vrai lot de consolation.
Aimer, c'est comme partir à la guerre. On sait pas si on reviendra vivant.
Marion ouvrit les yeux. Un bruit l'avait tirée du sommeil. Un bruit sourd. Comme un coup dans la cloison.
Elle ferma les yeux, avec lassitude, puis les rouvrit. Théo n'était plus là, à coté d'elle. Mais sa place, dans le lit, était encore chaude. Il va se tirer, cet enfoiré, elle se dit.
Ses yeux s'habituèrent à l'obscurité. Théo était accroupi, à la recherche de ses affaires éparpillées sur le sol. Elle sourit en se rappelant quelle folie cela avait été quand ils étaient rentrés cette nuit. Ce désir qu'elle avait de se faire baiser par lui, encore. Ils n'avaient fait que ça tout hier, ou presque (...).
De tous les marins qu'elle avait connus, aucun n'était revenu. Toutes les promesses meurent en mer. Et dans chaque port du monde, une Marion attend "son" marin.
Elle avait cru le "tenir" et c'est lui qui la possédait.
De tous les marins qu’elle avait connus, aucun n’était revenu. Toutes les promesses meurent en mer.