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Critique de okada


okada
01 novembre 2017
D'abord, je précise que je n'aborde pas la lecture du dernier roman de J.MG. Le Clézio en néophyte. J'ai déjà lu une quinzaine d'écrits de l'auteur. D'où peut-être, pour moi, un manque de surprise, un effet de lassitude qui ne touchera pas d'autres lecteurs.

Cela étant posé, je peux commencer par dire ma grande admiration pour cet écrivain, pour son style inimitable, d'une beauté formelle et classique. La parole, est belle, déliée et poétique, à la limite du lyrisme mais pour mieux chanter la richesse et la complexité humaine.
Comme toujours chez Le Clézio ; on retrouve ses descriptions saisissantes, ses litanies de lieux et de noms à la manière d'un Jules Verne contemporain. D'ailleursLe Clézio n'est-il pas une sorte d'écrivain-aventurier que l'introspection et l'inquiétude auraient touché de leurs ailes ?

Une fois encore, Le Clézio explore sa mémoire familiale en partant du « drame » qu'il perçoit comme à l'origine de sa vocation littéraire : la faillite et l'exil en France de son parent issu d'une riche famille mauricienne. Il décale les personnages, enfourche son imagination et nous livre une histoire entre conte et réalité. Autour d'icônes familiales réinventées (Dodo, devenu le clochard exemplaire de son île, une ancêtre chanteuse lyrique, entre autres), le romancier tisse sa toile. Il prend pour prétexte la quête d'une sorte de double de lui-même dont la vie est orientée par la quête des souvenirs. Jérémie Felsen n'a gardé qu'une chose de son passé : une pierre à gésier d'un dodo (cet oiseau disparu, symbole de l'Île Maurice) que son père avait trouvé, enfant, dans les champs de canne. Avant la « déchéance » familiale, avant le départ pour l'Angleterre puis la France…
Jérémie part donc sur l'île de ses ancêtres pour enquêter sur le dodo mais aussi sur les traces de sa famille. Cette quête se transforme en dossier à charge contre la modernisation de l'île et les vices humains… Car d'autres voix vont progressivement émailler le récit. Jérémie raconte ses recherches, ses interrogations ; Dodo le hobo nous narre de sa naïveté d'enfant éternel son histoire ; les figures oubliées des pages les plus noires de l'histoire mauricienne, liées à l'esclavagisme, viennent aussi se présenter à nous, tels des fantômes à la voix d'outre-tombe.

JMG le Clézio livre une histoire plurielle sur les destins humains emportés par la grande roue de l'histoire. On retrouve son sens de la justice et ses grands thèmes : les « petits » écartelés par les riches, l'exil, la prostitution. Ceux qui ont aimé « Poisson d'or », « le Chercheur d'Or » ou « L'Africain » retrouveront tous ce qu'ils aiment chez le Prix Nobel de littérature, de nouveau creusé et approfondi, l'effet de surprise en moins.
La quête du dodo est la nouvelle pièce de ce puzzle toujours refait par l'auteur. On apprend des choses passionnantes sur le sujet, on sent que l'auteur est allé à la source se documenter. Cette chasse au trésor aurait pu s'avérer passionnante, mais le romancier refuse toute construction dramaturgique, tout suspens… Avec un tel sujet, c'est dommage. On imagine ce qu'une Tracy Chevalier aurait fait d'une telle manne… Sur ce même sujet, d'ailleurs, j'ai préféré « Sous la varangue » de Christophe Botti, bien mieux renseigné et finalement plus romanesque alors qu'il s'agit d'un texte de théâtre. On a en effet parfois l'impression, à lire Le Clézio, qu'il oublie ses lecteurs et qu'il n'écrit plus désormais que pour lui… Mais sans doute sa quête est-elle ailleurs, désormais (et notre plaisir de lecteur aussi) : c'est une quête de plus en plus personnelle en même temps qu'une quête littéraire.

En faisant parler les autres, Le Clézio s'interroge sur l'humanité et sur ce qui nous rassemble. Vers la fin du livre, Dodo, l'un des protagonistes principaux en arrive à la même conclusion qu'Alexis, le héros du « Chercheur d'or », roman écrit il y a presque 30 ans : « Les gens croient qu'ailleurs c'est différent. Mais ailleurs, c'est pareil… »
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