Citations sur Notes du ravin (10)
En passant devant l'une dernières fermes restées des fermes, ici tout près : le petit verger à l'abandon, les murs délabrés en bordure du chemin, le grand noyer au-dessus de la Chalerne - pourquoi tout cela me semble-t-il si "vrai", c'est-à-dire ni aménagé, ni orné, ni truqué ? Ces pierres usées, tachées, prêtes à retourner au sol d'où on les a extraites, ces très vieux arbres cassants, hirsutes, qui ne produiront plus que des fruits acerbes - et l'eau, sans jamais aucun âge.
Un peu avant huit heures, la couleur orange, enflammée juste au-dessus de l'horizon, du ciel qui s'éclaircit et où, plus haut, luit le mince éperon de la lune. Il ne fait pas très froid.
Cela aide le corps à se démêler du sommeil, et l'esprit à se déplier.
Une buse monte en lentes spirales dans la lumière dure de l’avant-printemps. On taille le grenadier, dont les épines acérées vous éraflent les mains. Contre toutes les espèces d’absurdités qui, elles, vous feraient vous effondrer sur place.
A cinq heure et demie du matin, sorti dans la brume d’avant le jour, j’entends le rossignol, le ruyseñor espagnol, l’oiseau dont le chant est un ruisseau.
[incipit]
A cinq heure et demie du soir, le jour dure. On voit au-dessus du Mont Ventoux la couronne de pétales de rose de ceux que l’Egypte nommait « les justifiés d’Osiris », si belle dans les cheveux ou entre les doigts des morts dans les portraits du Fayoum. On comprend que c’est cette couleur rose, quelquefois aussi posée sur une robe, une étoffe légère, qui, de ces portraits, sans parler des regards, vous émeut le plus. Cette touche de rose ; cet épi rose dans la main des jeunes morts.
Le soir d’hiver dépose ces couronnes dans les arbres ou sur les nuages. Avant l’embarquement pour la nuit. Ce qu’il y aurait de meilleur à emporter là-bas, de toute une vie ?
Paroles, à peines paroles
(murmurées par la nuit)
non pas gravées dans la pierre
mais tracées sur des stèles d’air
comme par d’invisibles oiseaux,
paroles non pas pour les morts
(qui l’oserait encore désormais ? )
mais pour le monde et de ce monde.
Imagine quelqu’un d’enfermé dans une pièce hermétiquement close, sans issue possible, sans aucune porte ou fenêtre à fracturer, pire qu’une geôle dans un « quartier de haute sécurité » – et qui y découvrirait soudain, invisible jusqu’alors, un fauve, ou un ennemi sans pitié, ou rien qu’une ombre agressive, avançant lentement vers lui. Ce qui est radicalement sans issue, imparable, inéluctable. Tel est le combat, radicalement inégal, de l’agonie. Telle du moins elle était, puisqu’on peut désormais nous l’épargner, ou en atténuer, artificiellement, les morsures.
Imagine quelqu’un d’enfermé dans une pièce hermétiquement close, sans issue possible, sans aucune porte ou fenêtre à fracturer, pire qu’une geôle dans un « quartier de haute sécurité » – et qui y découvrirait soudain, invisible jusqu’alors, un fauve, ou un ennemi sans pitié, ou rien qu’une ombre agressive, avançant lentement vers lui. Ce qui est radicalement sans issue, imparable, inéluctable. Tel est le combat, radicalement inégal, de l’agonie. Telle du moins elle était, puisqu’on peut désormais nous l’épargner, ou en atténuer, artificiellement, les morsures.
Le rire d’un enfant comme une grappe de groseille rouge.
Une buse monte en lentes spirales dans la lumière dure de l’avant-printemps. On taille le grenadier, dont les épines acérées vous éraflent les mains. Contre toutes les espèces d’absurdités qui, elles, vous feraient vous effondrer sur place.