Pierre Jacquemot a eu une carrière étonnante à mi-chemin de l'Université et de la diplomatie. Profil rare au Ministère des affaires étrangères où les ambassadeurs sont pour la plupart issus de l'ENA ou de l'INALCO,
Pierre Jacquemot est économiste. Après un doctorat d'Etat en sciences économiques et une thèse en économie appliquée, il rejoint le cabinet de
Jean-Pierre Cot en 1981. Expérience marquante pour ce jeune coopérant passé par le catholicisme social qui y voit l'occasion, après deux séjours au Sénégal en Algérie, de poser les bases d'une relation Nord-Sud débarrassée du paternalisme gaullien. Dès lors, il enchaînera les postes sur le continent : conseiller économique d'
Abdou Diouf au Sénégal, patron de la coopération française à Ouagadougou et à Yaounde, il devient le tout-puissant directeur du développement de la rue Monsieur en 1997 avant de voir ses compétences reconnues par sa nomination à la tête des ambassades de France à Nairobi, Accra et enfin Kinshasa.
Cette riche carrière administrative n'a pas interrompu une fertile production intellectuelle. En compagnie de son compère,
Marc Raffinot,
Pierre Jacquemot n'a cessé d'écrire sur l'économie du développement. Caché sous le pseudonyme de
Pierre Cappelaere, il a livré des chroniques très vivantes de ses affectations au Kenya, au Ghana et au Congo. L'originalité de sa réflexion vient de ce qu'elle se nourrit à ces deux sources : les outils de l'économie sont mobilisés au service de l'action diplomatique, l'épreuve de la réalité permet de valider ou d'invalider des théories qui, sans elle, resteraient stériles.
C'est dans cet esprit que
Pierre Jacquemot a rédigé cet impressionnant traité d'économique politique africaine. Il s'inscrit résolument dans une démarche interdisciplinaire. Comme le résume bien
Abdou Diouf dans sa préface : « Économiste de formation,
Pierre Jacquemot ne tombe pas dans l'économisme ». Il ne s'agit pas selon lui d'une science abstraite faite de chiffres et d'équations. On ne comprendrait rien à l'économie africaine, nous dit-il, si on ne prenait en compte les trajectoires singulières et plurielles de ses Etats (ch. 1), le cadre institutionnel (ch. 2), les défis de la gouvernance (ch. 3), le facteur démographique (ch. 4).
Même lorsqu'il traite des sujets qui sont au coeur des problématiques de l'économie du développement, c'est toujours en sollicitant les outils de la sociologie, de l'anthropologie, de la politique. Ainsi du chapitre consacré à la sécurité alimentaire dont il montre qu'elle dépend autant sinon plus des infrastructures de transport que de la révolution verte. Ou de ses développements éclairants sur le système éducatif où est dénoncée la priorité donnée à l'université sur l'éducation primaire.
Toujours bienveillant, jamais complaisant,
Pierre Jacquemot porte sur l'Afrique un regard qui évite à la fois les naïvetés de l'afro-optimisme et le cynisme de l'afro-pessimisme. Son manuel, qui remplit un vide criant dans la littérature en langue française, fera date.