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Normandie, milieu du XIXème siècle. Emma Rouault est belle ; sa chevelure est souvent citée par Flaubert pour illustrer sa beauté. Avant de se marier, des lectures romantiques l'ont fait rêver de ce que sa vie pourrait être. Mais une fois mariée à Charles Bovary, elle se rend compte que son mari n'est pas le prince charmant dont elle avait rêvé. Alors, de déception en lassitude, Emma Bovary va s'aventurer sur les chemins de l'adultère. Maîtresse de Léon Dupuis, le clerc de notaire, et de Rodolphe Boulanger, le nouveau propriétaire de La Huchette, elle s'étourdit, n'en devient pas plus heureuse et ne sait plus où elle en est de sa vie sentimentale : "Emma retrouvait dans l'adultère toutes les platitudes du mariage" (Troisième partie - VI - page 346). Une forme de dépression la frappe. Voulant vivre à la mesure de ses rêves, elle se met à vivre au-dessus de ses moyens : à l'insu de son mari, elle achète à crédit et contracte des dettes qu'elle ne pourra pas rembourser. Et c'est ainsi que, de séduction en dépression, de dette en mensonge, l'histoire s'achèvera en tragédie, alors que Charles, lui, aura aimé Emma toute sa vie. Le roman offre de beaux passages sur la séduction. Ainsi, parlant de Léon, Flaubert nous dit qu'"il lui vint en tête une phrase galante, mais qu'il ne risqua pas" (Deuxième partie - V - page 141). Toujours avec Léon, Emma est "tout occupée par le charme de la séduction et la nécessité de s'en défendre" (Troisième partie - I - page 287) ; de son côté, Léon attend Emma et, à l'inverse, guette "l'ineffable séduction de la vertu qui succombe" (page 291). L'humour n'est pas absent, non plus, par exemple lorsqu'Emma, en froid avec sa belle-mère, fait l'effort de "lui demander une recette pour faire mariner ses cornichons" (Deuxième partie - XII - page 239), ou que Charles, attablé en face de l'amant de sa femme, retrouve en lui un reflet d'Emma et en éprouve de l'émerveillement. Mais surtout, sur le fond, dans Madame Bovary, Flaubert égratigne la religion, le mariage et la maternité, ce qui lui vaudra un procès. La religion : le rendez-vous galant qu'Emma donne à Léon se déroule dans la cathédrale ; de plus, l'homme d'Église est nommé par son nom -Bournisien-, jamais par son titre de curé. Le mariage : par son comportement, Mme Bovary "se compromettait" (Deuxième partie - III - page 124) ; par ailleurs, le mariage est présenté comme la solution des problèmes de la fille du père Guérin, alors qu'il est la cause de ceux d'Emma (V - page 145). La maternité : Emma ne s'occupe pas de sa fille et donne l'impression de ne pas l'aimer. Un style fluide, de belles phrases, un plaisir, surtout dans la première partie, où des comparaisons ne passent pas inaperçues. Charles, d'abord : "La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient, dans leur costume ordinaire, sans exciter d'émotion, de rire ou de rêverie" (Première partie - VII - page 66). Emma, ensuite : "Sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l'ombre, à tous les coins de son coeur" (page 70). Madame Bovary -pour Charles, Emma est la troisième de sa vie, après sa mère et sa première femme, la veuve Dubuc- relate ainsi, avec talent, le cheminement du mariage vers l'adultère et celui de l'adultère vers le suicide. + Lire la suite |