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Critique de jg69


Philippe Jaenada a entendu parler d'Henri Girard par son ami Manu, père d'un copain de son fils. Henri Girard, grand-père de Manu, a écrit "Le salaire de la peur" sous le pseudonyme de Georges Arnaud publié chez Julliard, maison d'édition que Philippe Jaenada connaît bien. Mais c'est surtout un homme qui a été soupçonné en octobre 1941 d'avoir massacré à coups de serpe son père, sa tante et la bonne dans le château familial d'Escoire dans le Périgord, Henri avait alors vingt-quatre ans. Seul survivant dans un château dont toutes les portes étaient fermées et où aucune effraction n'a été constatée, Henri était le seul héritier et deux jours plus tôt, il avait emprunté l'arme du crime aux gardiens du château. Pourtant, défendu par Maurice Garçon, un grand avocat parisien, il sera acquitté au terme d'un procès retentissant. C'est donc à un fait-divers sordide jamais élucidé et à un personnage pour le moins antipathique que s'attaque l'auteur qui s'est plongé dans les archives de l'affaire et a reconstitué l'enquête.

Intéressé par le profil ambigu de cet homme, Philippe Jaenada part mener son enquête minutieuse, ainsi en parallèle, une autre histoire se déroule sous nos yeux : celle du détective Philippe Jaenada qui mène ses recherches en 2016. de plus, cet auteur à nul autre pareil, parsème son récit d'informations sur Sulak et Pauline Dubuisson, les deux personnages de ses précédents romans dont il nous donne ainsi des nouvelles. Car Philippe Jaenada est le roi des digressions, il parvient même à placer des parenthèses à l'intérieur de parenthèses...

Philippe Jaenada déroule d'abord la vie d'Henri avant d'en venir au crime. Henri, né en 1917, perd sa mère, atteinte de tuberculose alors qu'il n'a que neuf ans. Ses grands-parents paternels qui n'ont jamais accepté le mariage refusent de contribuer à payer les frais de séjour en sanatorium, Henri sera élevé par son père Georges, un homme perdu qui n'a pas appris à être père. Un drame qui explique la colère permanente qui habite Henri. D'un physique ingrat, maladif, il se comporte en enfant gâté et colérique, il mène la grande vie, entretenu par son père. Après guerre et après son acquittement, alors que l'opinion publique reste convaincue de sa culpabilité, Henri s'exile au Vénézuela où il devient chercheur d'or. Il rentre en France en 1950 avec le manuscrit du "Salaire de la peur" puis devient une grande personnalité du monde culturel, riche et célèbre après avoir dilapidé la fortune familiale. C'est un homme qui a eu mille vies, s'est marié quatre fois et a eu quatre enfants. Haut en couleurs, il a eu une vie incroyable " il ne mue, instantanément, qu'en anéantissant la fortune familiale, et se transforme en nomade combatif qui ne possède rien et vient en aide à ceux qui en ont besoin". Autant il était provocateur et cynique, en un mot extrêmement antipathique avant le crime, autant il devient sympathique ensuite notamment quand il lutte contre certaines injustices.

J'ai adoré ce roman pour de multiples raisons. La première est certainement la découverte de Philippe Jaenada, écrivain hors normes qui se met en scène avec un sens de l'auto dérision et un humour incroyables. Ses digressions sur sa famille, son fils, ses petites habitudes, les scènes désopilantes qu'il nous raconte (comme celle du restaurant chinois) m'ont vraiment amusée et ont contribué à alléger le récit d'une histoire bien sordide. Philippe Jaenada possède un réel talent de conteur, même si de temps en temps il doit faire appel à Balzac pour l'aider à être clair dans ses descriptions...
Par ailleurs, j'ai trouvé ce fait-divers vieux de 75 ans intéressant, le jugement qui a suivi pour le moins surprenant, le personnage d'Henri Girard assez fascinant et l'enquête minutieuse menée par Philippe Jaenada passionnante. Il a cherché à comprendre qui était vraiment Henri Girard derrière ses apparences de mauvais garçon et a mené une enquête très rigoureuse à la recherche du moindre détail, de la moindre incohérence aboutissant à des questions pertinentes et pleines de bon sens. Il nous raconte une enquête qui nous tient en haleine, qui nous plonge dans la France de Vichy et qui nous fait croiser, entre autres, Léo Ferré et Henri Charrière, le légendaire Papillon.
Philippe Jaenada a écrit un livre passionnant sur un crime sordide et sur un personnage aux multiples facettes et a abouti à des conclusions qui interpellent.
Un régal !
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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