AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
2,94

sur 59 notes
5
6 avis
4
5 avis
3
8 avis
2
3 avis
1
3 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En 1947, une mutinerie éclatait dans le bâtiment de la prison de Fresnes réservé aux filles de Justice. Tandis que la presse condamnait la violence des révoltées, l'administration pénitentiaire se dédouanait en invoquant des meneuses incontrôlables, des « bêtes fauves » selon la directrice de l'établissement. Pourtant, les lettres des détenues laissent entrevoir une tout autre réalité, qui inspire à Dorothée Janin un roman plein de colère et de compassion.


Au moment des faits, elles sont quatre-vingt mineures, entre dix-huit et vingt-et-un ans, à avoir été provisoirement reléguées, après la fermeture en 1940 de leur institution corrective de Clermont et un passage par une section de la prison de Rennes, dans un bâtiment désaffecté de l'établissement pénitentiaire de Fresnes. Fugueuses, petites voleuses, filles de trottoir ou ayant simplement eu une relation sexuelle hors mariage, toutes grandies sur fond de misère et de violence, « ce sont avant tout leur moralité, leur comportement, leur milieu d'origine jugé déficient ou dangereux, pas les délits qu'elles ont ou n'ont pas commis, ni les articles du Code pénal » qui les ont menées à la réclusion en Institution Publique d'Education Surveillée. Elles ne sont donc pas des criminelles, mais, ce qui leur vaut pourtant en ces lieux un traitement plus sévère encore – « Elles sont venues à cette pauvreté morale par goût et par besoin, par joie du vice. Elles sont inadaptables ces petites prostituées, ‘'inamendables''. La voleuse peut être relevée, et même la criminelle. Jamais la fille ‘'folle de son corps'' » –, des « filles perdues », scandaleuses dans leur insoumission, leur indépendance et leur perversion, des déchets étiquetés vicieux et irrécupérables, que l'on entend mater par la discipline, les humiliations et la brutalité, par la maltraitance physique et psychologique, par « l'intrusion de la contrainte jusque dans l'intimité, le contrôle total sur le corps et l'esprit ».


Imaginant des personnages fictifs, d'alors et d'aujourd'hui, très fidèlement et scrupuleusement inspirés pour les uns de sa longue imprégnation des documents de l'époque, pour les autres, notamment Elvire la narratrice, d'éléments de sa propre biographie et de son passé, l'auteur mène l'enquête et croise les regards d'hier et d'aujourd'hui sur ces « mauvaises filles ». Peu à peu, les fantômes exhumés des archives reprennent vie, silhouettes et voix s'animent au gré d'une reconstitution réaliste et vibrante d'émotion, qui, se focalisant sur la prison de Fresnes, prend bientôt la dimension d'un véritable procès du siècle dernier en France. Car, tandis que l'on y escamote les terribles conditions d'enfermement des filles de Justice en faisant passer leur insoumission pour vice et leur révolte pour hystérie – quelle autre cause à leur soulèvement que les pulsions sexuelles d'« âmes perverties, énervées par le printemps » ? –, en ce lendemain de Libération on y traite aussi en hôtes de marque des collabos venus y remplacer les résistants qu'on vient d'y torturer et d'y exécuter. Alors, l'effet boomerang qui, dans la quête la menant vers Madeleine Lauris, fille-mère détenue à Fresnes et contrainte d'abandonner son bébé, renvoie douloureusement Elvire à son propre impossible désir de maternité, s'inverse une nouvelle fois et, « à la façon d'un mascaret », comme une « vague depuis les mots retourne vers le corps et vient frapper le coeur », remonte le fil tendu par le thème de la lutte et de la résistance pour faire écho à l'histoire familiale de l'auteur. En réalisant sa vénération pour son grand-père, juif polonais qui rejoignit en France les rangs des FTP-MOI, les Francs-tireurs et partisans de la Main-d'oeuvre immigrée, l'on comprend, comme elle-même semble en avoir pris conscience en l'écrivant, combien ce livre et son sujet entrent en résonance profonde avec sa chair et son âme.


Avec ce livre sous-tendu par un remarquable travail d'investigation mais aussi par une émotion lui remontant des tripes, Dorothée Janin ne rend pas seulement justice aux filles de Fresnes. A travers elles, qui se révoltèrent non pour leur propre sort pourtant terrible, mais par fidélité à la seule éducatrice en qui elles avaient confiance, et qui, considérées comme des rebuts par la société, lui en remontrent pourtant en courage et en intégrité, ce sont les valeurs d'amour, d'honneur et de loyauté qu'elle remet à leur juste place, par-delà les hypocrisies, les préjugés et les impostures ordinaires. Coup de coeur pour ce roman qui, hasard de la rentrée littéraire, aborde par le versant féminin ce que l'enragé de Sorj Chalandon nous présente côté masculin, avec le bagne pour garçons de Belle-Ile.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8813
HONNEUR
1947. Derrière les murs hauts de sept mètres de la prison de Fresnes, quatre-vingt jeunes filles vivent. Toutes jetées à l'ombre, toutes "des mauvaises filles".

En mai, une révolte éclate dans une mutinerie hurlante et fracassante. La révolte de ces jeunes filles enfermées car considérées comme une menace pour elles-mêmes comme pour la société...

Elvire, généalogiste, est engagée par Serge Valère, pour retrouver Madeleine, sa mère, l'une des femmes de Fresnes.

C'est alors qu'on découvre à travers l'enquête d'Elvire, la vie de ces jeunes femmes, et l'impensable.

Ce roman édifiant est d'une grande profondeur, il nous offre une plongée dans la presse d'époque servant à reconstruire le parcours de vies fracassées par une société entachée par la honte.

A lire!

@doresixtine
Commenter  J’apprécie          70
Le commentaire de Martine :
Dominique Janin consacre son récit fictif à une histoire réelle, elle présente dans ce roman, Lolita Pille, la révolte des filles perdues et l'histoire de mutinerie des jeunes femmes détenues dans la prison de Fresnes, quelques années après la deuxième Guerre Mondiale. En 1947, au centre pénitentiaire de Fresnes, une quarantaine de jeunes filles, enfermées, pour de petits larcins, pour une conduite inappropriée en société, pour de la débauche, ou bien, parce qu'elles représentent une menace pour la société, donc ces filles étaient incarcérées sans jugement légal. Elles décident de provoquer une révolte, elles cassent tout, elles pillent tout, jettent tout. Tandis que les gardiens et les officiers de police ne sont venus que pour les dompter et leur faire comprendre les bonnes moeurs. Elles seront jugées pour leur intrépidité, leur action, leur solidarité, leur révolte, leur inconscience et leur indiscipline pour tout cela, elles iront en prison.
Après un demi-siècle un certain, Me Valère a réussi sa vie et il ne s'intéresse pas à son passé, comme il était un enfant de l'assistance. Son fils Jonathan, découvre l'acte de naissance de son père que l'avocat ignorait. En pleine crise d'adolescence, Jonathan est perturbé et veut savoir qui sont ses ancêtres, c'est alors que sa psychologue suggère une psychogénéalogie. Elvire Horta leur sera conseillée, elle est une généalogiste très appréciée et elle pourra révéler les origines à Serge Valère, malgré sa réticence et sa réserve concernant la réponse que va leur apporter Elvire. Ce qu'elle va découvrir, c'est que la mère de Serge Valère, était une jeune femme détenue à Fresnes durant la mutinerie de 1947.
Dorothée Janin a voulu écrire une fiction, mais l'histoire celle des filles perdues suscite un grand intérêt. J'aurais pourtant aimé qu'elle creuse, certains thèmes, tels que le ressenti des descendants, des effets de l'après-mutinerie sur les filles détenues, les conditions de vie au sein de cette prison. J'ai été pris par ma lecture du début jusqu'à la fin, avec une envie de m'y replonger pour y retrouver les personnages et l'évolution de l'enquête. L'écriture de Dorothée Janin est poétique, imagée et claire, mais elle sait aussi être directe, nette, humoristique et accessible. Les personnages sont marquants, touchant et attachants, au point qu'on a pas du tout envie de se détacher d'eux. le thème est magnifique, il a un réalisme surprenant pour arriver à être capable de faire une dénonciation sociale et politique. Cette oeuvre a tous les ingrédients dans la cour de la grande littérature, je pense que la réussite de sa publication sera magnifique et que la route sera longue et bénéfique, tout en permettant à des gens à renouer avec leur héritage !
Lien : https://lesmilleetunlivreslm..
Commenter  J’apprécie          50

Nous sommes en 1947, dans un contexte d'après-guerre, Dorothée Janin nous raconte l'histoire d'une centaine de jeunes femmes de 16 à 21 ans, mineures selon la loi, enfermées à Fresnes et dépendantes de l'éducation surveillée.
La manière dont on les traite et dont on parle d'elles au sein de la prison choque immédiatement.
Celles que l'on appelle les "mauvaises filles", elles sont voleuses, fugueuses, de petite vertu, elles sont jeunes ! le 6 mai 1947, elles se révoltent !
Quelques années plus tard, Elvire, une généalogiste, est embauchée par Serge pour retrouver sa mère, l'une de ces jeunes filles.…..

Inutile de faire durer le suspens, c'est un coup de coeur pour l'écriture de Dorothée Janin ! pour ces jeunes filles révoltées !
Dorothée Janin m'a embarqué dans son roman de la première à la dernière page ! J'ai aimé l'histoire et l'écriture ! Elle dénonce les conditions de détention de ces femmes, elle dénonce les horreurs, la honte, l'humiliation mais pas que, c'est un roman social ! Un roman sur la filiation aussi, alternant roman et article de presse. C'est extrêmement documenté ! c'est bouleversant !
Un coup de coeur !
Commenter  J’apprécie          20
Un vrai roman coup de poing, sans hésitation le meilleur livre de cette rentrée littéraire. Une langue d'une beauté rare, frontale, ciselée, libre. Une enquête magistrale menée tambour battant . L'histoire de ces "filles perdues" prend aux tripes et laisse une empreinte indélébile.

Commenter  J’apprécie          20
J'ai été frappé dès les premiers paragraphe par la singularité de ce que lisais: Dorothée Janin est un véritable écrivain qui ne fait aucune concession aux phrases toutes faites et à l'a peu près langagier.

J'ai aimé sa façon d'entremêler trois récits: la révolte des filles de Fresnes, micro événement carcéral qui cristallise le patriarcat moralisateur d'une époque, la banquise intime de l'avocat, incapable d'être un fils ou un père; et enfin, les interrogations de D. Janin sur sa propre filiation et ses tempêtes intérieures.

C'est âpre, sans fard, à la fois d'une précision clinique dans la description des sentiments et bouillant comme un soulèvement libérateur.
Commenter  J’apprécie          00



Lecteurs (142) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
566 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *}