L’Homme a toujours tué pour vivre, l’inverse est une aberration.
Jadis, je pensais que la brutale austérité de la vérité méritait la blessure. Que savoir c’était être. Tous ces mensonges, ces superstitions, ces inconsciences me faisaient honte. C’étaient, selon moi, des adjuvants de confort, des exhausteurs de bonheur.
Il faut, tout de même, croire à l’instinct maternel, à l’amour total, à la possibilité d’une Rédemption, à la gratuité des sacrifices et la grandeur de l’Homme. Parce qu’il faut vivre, c’est un devoir et une évidence.
La femelle cesse de s’intéresser à ses petits lorsqu’ils sont sevrés et en âge de se défendre seuls. Elle les repousse, parfois méchamment. Elle se prépare pour d’autres grossesses. La femme, elle, continue à couver, caresser, protéger.
l’Homme préfère la poésie à la biochimie. Il aime mieux voir dans ce raz-de-marée endocrine une merveilleuse fable.
— Ben, l’instinct maternel, quoi !
— Ah oui. Ça fait partie de ces mots-tiroirs, dans lesquels on fourre tout ce qu’on ne sait pas ranger ailleurs. Si l’on parle d’instinct maternel, on fait référence au mammifère que nous sommes, à la femelle, en d’autres termes. Bien joli terme, d’ailleurs. Cette irremplaçable chimie des hormones qui exige que tu protèges le petit que tu portes, que tu allaites. Le petit sans défense.
Ça sert à quoi de vivre cent ans, si on les perd à oublier ce qu’est la vie.
Tes pires crimes ont été de voler le paquet de cigarettes de ton père pour jouer au grand ou de balancer une blague salace à la maîtresse pour jouer au coq. Comment pourrais-tu comprendre ? Tu sais, c’est lorsque la vie se résume à une alternative très simple : survivre ou se faire descendre.
Il y avait du fric planqué un peu partout dans la verrière. Esprit veillait sur son magot comme sur sa vie. Il aimait entasser, contempler, mais curieusement, il ne comptait pas. Je crois que ce n’était pas tant l’argent qui le fascinait que les combats, les morts qu’il représentait et bien sûr le pouvoir, surtout le pouvoir.
La plupart des camés m’emmerdent, parce qu’ils ne savent pas s’en servir : ils les servent. J’ai toujours eu la conviction qu’en dépit de toutes ses tares, l’Homme devait dominer, utiliser, jamais être utilisé…