Samir grandit dans une ville moyenne d'Allemagne. Fils d'émigré libanais, il vit heureux au sein d'une communauté soudée. Jusqu'au jour où son père disparaît, sans prévenir, sans laisser de trace. Dès lors la vie de Samir va être dominée par une obsession : retrouver son père, découvrir son histoire, comprendre pourquoi il les a quittés lui Samir, sa soeur et sa mère.
Avec ce premier roman,
Pierre Jarawan nous entraîne au coeur de l'histoire d'un pays qui ne connaît plus la paix depuis des décennies. L'histoire d'un peuple sacrifié, ravagé par la guerre civile, un pays qui a perdu sa liberté en tombant dans les mains de la Syrie, un pays qui voit ses ressortissants le quitter ayant perdu tout espoir d'une vie meilleure pour leurs enfants.
C'est aussi la vision de la situation d'émigré dans un autre pays que la France, un pays qui nous est proche et auquel on nous compare souvent : l'Allemagne. C'est une quête des origines et c'est une histoire de famille, avec ses secrets de famille.
Le récit se fait par le regard d'un enfant puis d'un adulte : celui de Samir. La première partie nous raconte l'enfance de Samir, en Allemagne, au sein de la communauté libanaise en exil, entre un père adulé et une mère aimante. Une enfance heureuse. Mais tout se voile le jour où le père disparaît, ne laissant à Samir, 8 ans, qu'une photo et un vide immense. Dès lors ses liens avec les autres changent. Rongé par son obsession pour un père ingrat, Samir s'éloigne de Yasmin, sa meilleure amie, presque sa soeur, d'Hakim, le père de cette dernière, et plus proche ami de la famille. Centré sur sa douleur, sur son rapport à ce père absent, il finit par ne plus vraiment être attentif à ses proches, notamment sa soeur, née en Allemagne, et sa mère. Son obsession devient maladive et ne trouvera un soulagement que lorsque Samir se rendra en Syrie, bien des années après la disparition du père. Sur place il pourra enfin faire la paix avec son histoire familiale et commencer à vivre sa vie.
Le roman est bien construit, oscillant entre Samir devenu adulte et Samir enfant, notamment dans la deuxième partie correspondant à la quête du père sur les terres libanaises. On s'attache à ce garçon qui souffre d'une absence, d'un passé caché, qui mène une vie sclérosée qui lui pèse mais dont, pendant vingt ans, il n'arrive pas à se dégager. Tous les personnages sont attachants, empreints d'une humanité sincère.
C'est un roman initiatique, qui nous parle de filiation, avec la poésie des fables que Bachir racontait à Samir. C'est aussi une fenêtre sur l'histoire très compliquée d'un pays. Une des forces de ce roman est de tenter de nous expliquer pourquoi le Liban est si déchiré, avec ses différentes factions, les enjeux politiques de la région, entre Palestine et Syrie. Les faits marquants des années 1980 / 1990 sont intégrés à l'histoire, et on a le sentiment d'un petit mieux comprendre le désarroi des Libanais mais aussi l'amour de ce peuple pour ce pays si beau et si bien décrit.
Une belle découverte et une belle plume, récompensé du prix du premier roman de Chambéry en 2017, et qui donne envie de lire les autres romans de
Pierre Jarawan.