Vivre lentement sans bâfrer les journées, prendre chaque heure délicatement dans sa main comme un moineau en la caressant pour qu'elle ne s'envole pas trop vite, laisser fondre les minutes sur sa langue en évitant de les croquer, savourer le goût de chaque seconde sans oublier un instant qu'on est en vie.
J'étirerai les années qui me restent comme du sucre filé et j'en ferai des siècles.
- Un travail n'est pas un dû.
C'est une faveur qu'il faut mériter comme une gourde d'eau quand on est perdu au milieu d'un désert.
Bientôt, il faudra sans doute payer cher pour obtenir un poste et un salaire. Sans emploi,vous perdez à l'instant votre dignité d'humain, et vous devenez comparable à un de ces chats des rues que de vieilles folles nourrissent au risque de se faire griffer.
-Je n’ai pas envie de t’aimer, pas ce soir.
J’ai besoin de t’oublier l’espace d’une nuit. Demain peut-être, je recommencerai à te regarder, à te regarder, à te reconnaître, à te préférer au reste du monde. Tu n’es pas devenue une étrangère, tu as gardé la même apparence, la même voix, tu as toujours le même sourire qui ressemble à un petit rire étouffé, naïf, frais, comme si tu l’avais emporté en quittant précipitamment ton enfance. Mais j’ai envie d’être seul, de me replier, de trouver un espace où je pourrais survivre sans toi.
- Tu peux rester ici. Si tu t’en allais, ça ne changerait rien.Je suis trop imprégné de toi, même les heures d’avion ne parviennent pas à t’éloigner. Je te transpire, je te jouis, je te pleure, et dans le froid je te souffle avec la buée qui s’échappe de ma bouche. Tu peux partir, je t’habiterai toujours, je te vivrai comme une aventure, une randonnée vers un pôle que nous ne rattraperons jamais, tant il dérive, s’enfuit, tant il quitte parfois la terre et nous nargue dans les airs comme une lune basse.
L'écriture est toujours une solitude insoluble dans la fréquentation des autres.
Elle avait le teint pâle, elle se tenait raide, elle contractait les muscles de son visage. J'ai pensé que pour obtenir un allongement des délais de paiement, elle cachait sa joie de vivre en faisant la gueule
--- Bonjour madame.
Ses yeux étaient ouverts dans ma direction, mais elle ne me regardait pas.
J'avais maintenant l'impression que la joie de vivre n'avait jamais été chez elle une idée fixe, et qu'elle n'avait pas besoin de faire le moindre effort pour la dissimuler.
J'ai eu des chagrins, des déconvenues mais je n'ai pas raté ma vie au point de vouloir la recommencer.
le lit était toujours garni de mon épouse qui avec sa chemise de nuit rose rappelait une tranche de jambon dans un sandwich.
je suis pourvue de cinq enfants adorables que je laisserais volontiers sur le bord de la route en échange d'une dent en céramique
-La vie est une maladie dont on guérit.
Sans séquelles. Le traitement est prompt. Il ne donnera lieu à aucune récidive. Traitement non invalidant par ailleurs. Ni troubles de la vision, de l'audition, de la locomotion, de la sexualité, ne sont à redouter. Il est d'une telle innocuité qu'on pourra le prescrire aussi bien aux enfants de moins de quinze ans, qu'aux femmes enceintes, et au vieillards souffrant d'une inflammation de la prostate. Il peut être prescrit par un professionnel de la santé, mais l'automédication est recommandée. Aucune ordonnance n'est nécessaire pour le suivre avec succès et obtenir une guérison plénière. J'attire cependant votre attention sur le fait, qu'étant irréversible, on ne le laissera qu'exceptionnellement à la portée des bébés et des animaux domestiques. Notez également, qu'étant considéré comme un traitement de confort par les autorités sanitaires, il n'est malheureusement en aucun cas remboursé.
- Je suis écorchée vive.
Je souffre et je n'oublie rien. Même les gens qui me bousculent sans l'avoir voulu me causent une insupportable douleur. Mon mari m'a laissée tomber il y a huit ans, et chaque soir je persiste à l'attendre, comme ce 7 juin 1999 où il n'est définitivement plus rentré. Il est parti avec une femme, avec un homme mais le plus humiliant pour moi c'est qu'il n'est parti avec personne. Il a encore préfèré la solitude à ma présence. On m'a dit qu'il vivait dans l'isolement. Lorsqu'on l'apercevait dans une réception, il resssemblait à un homme de béton dont les yeux brillaient comme deux cailloux bleus. Si on lui adressait la parole, il répondait en riant, mais on sentait qu'il était encore entre ses quatre murs et qu'il envoyait des mots par la fenêtre sans y prêter plus d'attention que s'il jetait sa poubelle.(Cailloux bleus)