Selon la philosophie d'Extrême-Orient, seul l'espace vide engendre l'essence de la forme créée. Sans le vide intérieur une cruche n'est qu'un tas de glaise ; elle ne devient vase que par son seul espace intérieur, car il est bien dit à la onzième sentence du livre de Lao-Tseu :
"Trente rayons convergent vers le moyeu, mais le vide entre eux crée la nature de la roue.
De la glaise surgissent les jarres, mais le vide en elles crée la nature de la jarre.
Les murs, avec les fenêtres et les portes qui leur sont adjointes, forment la maison mais le vide entre eux crée la nature de la maison.
Voici le principe :
La matière crée l'utilitaire, l'immatériel crée l'essence véritable."
Ces considérations peuvent et doivent être adoptées en typographie. Au contraire de la Renaissance qui reléguait l'inimprimé de l'œuvre typographique à l'arrière-plan, la typographie moderne reconnait depuis longtemps à l'espace vide que forme la surface non imprimée une valeur d'élément de création.
En cette fin de XVIème siècle, quand la Contre-Réforme et l'Inquisition prennent le dessus et pourchassent les idées nouvelles, la Hollande protestante devient terre d'asile du livre, des typographes et des imprimeurs d'Europe où l'absolutisme royal s’accommode mal de l'indépendance d'esprit de ces hommes érudits qui, dès 1550, délaissant le latin, s'emploient à imprimer et diffuser les classiques grecs et latins dans les langues nationales.
A l'autre bout du monde, la Chine invente, deux mille ans avant notre ère, l'écriture qui est encore la sienne aujourd'hui.
Roman à énigmes ,le roman de l'écriture est celui d'une métamorphose :née voilà six mille ans ,pour faire des comptes et tenir des registres ,l'écriture est devenue une manière de pense , de concevoir,de créer , d'être .