Le sourire d’Yeux d’Ange illumine tout son visage, et je réfrène l’envie de la prendre dans mes bras. Et encore plus quand je vois la lueur de son regard. L’hésitation. Elle aussi en a envie, si elle le fait, je ne résisterai pas. Je plongerai le nez dans son cou et prendrai mon shoot de vanille. Il n’y a rien de mal à ça, non ?Elle fait un pas vers moi, mon cœur bat encore plus fort dans ma poitrine. J’oblige mes bras à rester le long de mon corps, j’attends que ça vienne d’elle. Elle fait un nouveau pas, un petit, mais qui est énorme, et se met sur la pointe des pieds.Comme ce jour où, pour la première fois, elle m’a embrassé.Comme ce jour où, pour la première fois, elle a pris l’initiative. Mais je préfère ne pas y penser et ne garder que le moment où elle a choisi de m’embrasser.Je déglutis avec peine pour essayer de contrôler mon cœur qui menace de remonter par ma trachée et jaillir par ma bouche.Quand ses lèvres vont enfin se poser sur ma joue, la voix de Steve nous interrompt.
Cris est comme ça, libre comme l’air, elle prend ses décisions, et même si ça me démolit d’y penser, elle a pris sa décision.
En me répondant, Cris ne m’a pas regardé. Même pas une nanoseconde. Et j’aurais voulu qu’elle me regarde. Espoir insidieux qui vibre en moi. Je hais ce sentiment parce que ça fait de moi quelqu’un que je n’aime pas. Et que je n’arrive pas à le réfréner.
J’ai du mal à faire des phrases complètes. Sujet, verbe, complément. Ce n’est pourtant pas compliqué. Mais c’est comme si mon corps sortait d’un sommeil profond et voulait récupérer le temps perdu en quelques minutes.
Elle a beau être trempée de sueur, échevelée par sa course, sans maquillage, elle est toujours superbe. Et cette odeur de vanille… Elle va me rendre fou.Je me racle la gorge, il faut que je dise quelque chose, sinon je vais lui prendre la main ou poser la mienne sur sa cuisse, et nous n’avons pas ce genre de relation. Nous ne l’avons plus, même si nous ne l’avons eue que fugacement.
J’ai envie de l’engueuler, là, tout de suite. De lui aboyer qu’elle est complètement inconsciente de se promener comme ça dans ce quartier ! Ses cheveux sont retenus dans une queue de cheval, mais l’effort a été vain : quelques mèches s’en sont échappées. Elle est canon. Et les mecs ne sont pas aveugles.
Si je risque de la perdre de vue, ce ne sera pas le cas de ses gars. Inutile de lire dans leurs pensées pour comprendre qu’ils ne sont pas en train de faire une innocente promenade nocturne.
Elle est là, dans la même ville que moi, et n’a pas cherché à me contacter. Rien du tout. Son message est clair : elle m’a bel et bien lâché. Je devrais moi aussi tourner la page, elle n’a pas besoin de moi. Cris n’a jamais besoin de personne. Mais je n’arrive pas à m’y résoudre, parce qu’elle a beau prétendre pouvoir se débrouiller seule, la réalité est souvent bien différente.
Changer de sujet parce qu’on est mal à l’aise est une technique aussi vieille que la guerre elle-même.
Mon pays ? m’interrompt-il. Mais mon pays, c’est ici. C’est là où je me sens bien. Ici, je peux être qui je suis. Je peux aimer un garçon sans avoir peur de finir en prison.