Écrire, c’est-à-dire autre chose que du rédactionnel : un gros roman de fiction. Pas des petites choses sensibles, ni des romans chorals embrouillés, non : un gros roman de fiction, roi des genres, où on cogne, on aime, on baise, et où on boit tous ensemble pour s’en remettre, un roman plus large que ses deux bras écartés, un roman comme de la peinture d’histoire, reine des genres, ces grandes machines de quatre mètres sur trois, quand les plus belles choses que l’on pouvait souhaiter étaient de grandes machines pétaradantes qui emporteraient tout le monde dans des sifflements de vapeur.
Penser que la richesse se répartit, et profite à tous, est un déni du fonctionnement de la machine qui la produit, car son mécanisme est différentiel : la machine dérégulée produit des ultrapauvres pour créer des ultrariches. C’est une loi de la nature.
Il n’y a pas des riches et des pauvres, il y a des gens compétitifs et d’autres qui ne le sont pas.
Mais la compétitivité n’est pas le but : il faut des perdants ; il faut une majorité de perdants, car c’est une loi naturelle de la science du vivant. Il faut davantage d’herbe qui pousse que de vaches qui en mangent. Il faut plus de mangés que de mangeurs, c’est une loi thermodynamique liée au transfert d’énergie. Il faut beaucoup de perdants pour que la machine fonctionne, car elle ne produit qu’en associant une source pauvre à une source riche. Le rendement sera d’autant plus fort que l’écart entre les deux sera grand.
La fable est un avertissement : le vice, désagréable quand on s’y heurte, est le seul moteur des sociétés.
...les signes se cachent dans les détails, et les détails on ne les reconnaît pas, on ne sait pas de quoi ils sont signes, on ne les relie à rien, ou à tout, on ne sait pas. Après on s’en mord les doigts de ne pas les avoir remarqués alors qu’ils étaient là, de les avoir remarqués mais de ne pas leur avoir accordé d’importance, de ne pas avoir deviné ce qu’ils annonçaient.
Ce n’est pas un crime que d’être riche.
Mais cela le devient de croire qu’on ne le doit qu’à soi. Il est cynique de faire croire que celui qui accumule une fortune en a le seul mérite.
On n’est pas journaliste si on n’a pas un peu de chance, on n’est rien d’ailleurs si on n’a pas un peu de chance, l’aléatoire heureux est le moteur de tout, et la vraie compétence, en tout domaine, est de savoir attraper la chance quand on la voit passer.
Malgré tout nous continuons de pousser, car nous sommes plantés dans une terre qui donne tout à foison. Nous avons la patience que donne la fertilité : nous repoussons toujours.
Le corps humain est souple, il est un foisonnement de courbes ; toutes affleurent à la surface. Tout est là.
Les rencontres sont aussi difficiles à raconter que les rêves, les mots y manquent aussi : les gestes possibles sont peu nombreux, les mots pour les décrire plus rares encore, mais l’ardeur est sans fin.