Citations sur Baby-foot (16)
Voilà, dit-il, souviens-toi de cela : l'homme qui aime l'argent ne voit plus que lui-même. Pour lui, il n'y a plus ni collines, ni fleurs, ni chevaux.
"Qu'est ce qui n'est pas vrai Joseph ?"
Dans le poêle , le ronflement s'accentue puis s'apaise ; dehors , les rafales de vent se sont tues .
"Pour mon père se n'est pas vrai." Il m'écoute silencieux...Il ne m'aidera plus , il faut que cela sorte de moi même .
"J'ai dit ça comme excuse , mais... il n'est pas rentré . "
Maillard a descendu deux marches de l'estrade et s'arrête . Lorsqu'il est en colère, sa voix fait vibrer les murs ; à présent je l'entends à peine .
"Je sais , Joseph , je sais "
La guerre est finie et le monde commence. De ce monde je veux ma part, et, tant qu’à faire, pas une petite…Les Américains, ils nous ont apporté de sacrées envies, et juste celles dont j’avais besoin à l’aube de mes quatorze ans : voir grand !
Tout va à présent être plus rapide, plus vivace, plus âpre peut-être. Je suis en tout cas bien décidé à y participer. Et si l'or est nécessaire, je vais tenter d'en gagner.
Nous aussi, nous allons nous ruer sur quelque chose. Ce ne sera pas l'or, mais la vie.
Je suis un acharné du ciné, Franck aussi et Jeannot le gitan encore pire. On sort des Folies-Belleville pour plonger à la Gaieté-Rochechouart. Il y a des films d'actualités sur la guerre qui tarde à finir. Ça s'appelle « Pourquoi nous combattons ». J'ai vu toute la série. Et puis, ce matin, Franck est entré en trombe dans le magasin et m'apprend la nouvelle : « Y a un Charlot au Gaumont-Palace ! »
On y court l'après-midi même ; c'est la Ruée vers l'or.
J'ai pris de la carrure aussi et la bande de la rue Ordener en sait quelque chose, j'ai un crochet du gauche équivalent à celui de Joe Louis, dont on parle beaucoup dans les hebdos sportifs. L'Amérique est là, elle nous est rentrée dans la peau avec ses tanks et le cinéma. Quand je peux, avec Franck, Marcel, Jeannot et les autres, on fonce au ciné, sur le Rochechouart, avenue de Clichy ; dans tout le quartier, c'est plein de kinos avec des rideaux qui se soulèvent. Au Royal-Clignancourt on passe en douce, parce que je connais la caissière ; Henri la coiffe gratis après la fermeture, c'est grâce à elle que je vois mes policiers, ceux d'Humphrey Bogart — j'aimerais tant lui ressembler ! Malheureusement, j'ai les yeux bleus et j'ai pas de rides autour de la bouche. J'ai beau m'exercer à prendre l'air sévère et dur, à passer mon pouce sur les lèvres, ça ne marche pas. Et puis je ne suis pas équipé du point de vue armement. J'ai un vieux Solido qui a perdu sa gâchette. Ça fait un peu juste pour lutter contre les mitraillettes.
Mais je ne veux pas être sauvé, moi ; ça ne me suffit pas d'être sauvé : je veux voir New York, la Californie, avec des dollars dans toutes mes poches...
Je m'étonne de l'intérêt que nous prenons à l'affaire Petiot. Je ne les écoute plus...
1945. Mon père est mort dans l'un des camps sur lesquels les journaux et les magazines ne cessent de nous donner de nouveaux détails. Les chiffres dépassent nos entendements, on parle de quatre, cinq, six millions de personnes, et cela ne veut plus rien dire, peut-être que quatre-vingt-dix est un chiffre plus à notre mesure, et puis l'assassin est là : presque beau garçon avec son nœud papillon, son front à la Beethoven, et c'est presque rassurant d'avoir enfin un coupable, car pour l'autre, pour ce grand crime de quatre ans, on semble bien en peine de savoir qui sont les meurtriers. Ceux qui ordonnent ? Ceux qui obéissent ? Et puis, celui-là, on le tient. Ce n'est pas comme certains autres.
Je serai cow-boy, boxeur, businessman, gangster, n’importe quoi mais pas coiffeur, pas un petit mec médiocre qui coupe des tifs à longueur de journée. Quant à son certificat d’études, alors là, je rigole doucement. Et s’il y a une chose dont je suis bien sûr, c’est que c’est pas moi qui vais le passer. Je laisse ça aux minables. En 1945, il faut vivre avec son temps.