Et même la création d'un Salon dissident au Champ de Mars n'a modifié en quoi que ce soit l'aspect pittoresque des choses aux Champs Élysées. Vous vous rappelez le mot attribué à Gambetta, au moment où on lui apprenait que l'armée de la Loire était coupée en deux. « Tant mieux, a répondu philosophiquement le célèbre tribun, cela nous fera deux armées ». De même aujourd'hui, le Salon coupé en deux nous fait deux Salons. Et le public a pris son parti de cette section aussi tranquillement que Gambetta. Il continue à faire la navette entre les Champs-Élysées et le Champ de Mars, avec une conscience qui trouve quelquefois sa récompense, ainsi que nous aurons l'occasion de le démontrer, espérons-le, lorsque nous parlerons des œuvres exposées cette année, par les deux Sociétés.
Mais si les jurys de peinture en sont arrivés heureusement à diminuer le nombre des tableaux exposés, ils n'ont pas pu opérer la même sélection parmi les visiteurs du vernissage. C'est effrayant ce que cette armée augmente chaque année. Elle se mobilise de partout. L'année prochaine vous verrez que la queue commencera au quai de la Concorde et qu'il y aura des sergents de ville pour la surveiller absolument comme si le pacifique 1er mai des artistes pouvait être assimilé au menaçant Ier mai de l'Internationale ouvrière.