Constance nous raconte l'histoire de son père Jacques, qui a longtemps refoulé son homosexualité, par opposition à son frère, Bertrand, qui n'hésite pas à l'afficher et qu'il déteste pour l'image qu'il lui renvoie. Il a épousé Lucie, avec laquelle il a tenté de construire une vie de couple, de faire un enfant, pour tenter d'être comme tout le monde. Ce sont deux intellectuels de ce que l'on appelle alors l'Intelligentsia de gauche.
Constance a bien compris le combat de son père enfermé dans le long refoulement de son homosexualité, puisqu'il est allé jusqu'au mariage, pour tenter de tout verrouiller. Mais, même la naissance de sa fille qui pourtant le réjouit au plus haut point de suffira pas. Il n'est pas heureux.
Quand arrive Mai 68, les verrous sautent, il rencontre l'homme de sa vie, abandonne son foyer pour construire sa vie avec lui. Mais, Lucie, toujours très amoureuse de lui, n'accepte pas son départ et sombre dans une profonde dépression.
C'est leur fille Constance qui raconte ce qu'elle sait de l'enfance de Jacques, dans cette famille où la mère se comporte de manière rigide, s'abritant derrière ses principes, alors que le père est quasiment insignifiant. On imagine la réaction de la mère lorsqu'elle trouve Bertrand au lit avec un homme, Noir de surcroît…
"Tu as haï ton frère très tôt…Bertrand et toi vous haïssez parce que vous êtes les mêmes. Deux garçons qui se savent homosexuels et qui le taisent. Ce que vous partagez ne peut se dire."
Elle exprime bien, la difficulté de comprendre, lorsqu'on est enfant, que les parents se séparent, ce qui en soit arrive à d'autres enfants, mais quand il s'agit d'aller le week-end, dans le couple de deux hommes, couple très amoureux et qui affiche son bonheur, c'est plus compliqué, surtout quand sa mère est au fond du lit, pleure sans arrêt et que Constance est impuissante.
Le fragile équilibre vole en éclat avec l'arrivée du SIDA : après les années d'insouciance, les expériences sexuelles non protégées, car Jacques n'est pas très fidèle, le virus commence à faire des ravages. On est dans les années quatre-vingts, des maladies surviennent, certaines bénignes vont faire des dégâts importants ; on commence à entendre parler de Kaposi, toxoplasmose, déficience immunitaire, puis trithérapie… L'insouciance s'est envolée, le virus prend le pas, malédiction et punition diront certains esprits…
Constance parle avec tendresse de ce père dont elle assiste à la longue descente aux enfers, il devient l'ombre de lui-même, certains amis prennent leur distance, la maladie fait peur, même sur fond de « Somewhere
over the rainbow », chanté par Judy Garland, dans le « Magicien d'Oz » musique chère à Jacques. Arc-en ciel de l'espoir et symbole de la communauté homosexuelle à travers le monde.
J'ai beaucoup aimé ce livre, témoignage du combat d'un homme et du courage de sa fille qui ne quittera pas le navire, pas plus que Lucie d'ailleurs, ce qui est loin d'être toujours le cas. Constance parle de l'amour, de la maladie, la souffrance et la mort sans tomber dans le pathos, et avec une très belle écriture. Elle raconte la peur d'aller se faire dépister, autant que la peur du VIH lui-même et de la mort, avec des chapitres très courts, denses, incisifs, parfois lapidaires, mais l'émotion n'est quand même jamais très loin.
J'ai lu pas mal d'ouvrages sur le SIDA, côtoyé des personnes atteintes, vu les tâtonnements du début, la recherche qui évolue et les réactions de l'entourage. Par contre, au niveau des livres, c'est plus limité : j'ai lu et pas beaucoup apprécié « Les nuits fauves » et d'autres dont je ne me souviens plus très bien… J'ai vu et revu « Philadelphia », un de mes films préférés et plus récemment « Cent-vingt battements par minutes » …
Si vous ne l'avez pas vue, je vous conseille la très belle et touchante série anglaise : « It's a sin » qui évoque à travers une bande d'amis, homosexuels qui s'éclatent dans l'insouciance jusqu'à l'arrivée du SIDA et la réaction de certaines familles…
Lien :
https://leslivresdeve.wordpr..