Brut, sauvage et enchanteur, l'Alaska était le plus vaste, le plus hostile et le plus indompté des Etats américains.
Être et devenir sont deux choses bien différentes. La biologie faisait de moi une mère, mais mon esprit était incapable de s’y plier. Je n’aurais pas su vous élever parce que je n’en avais pas envie.
Mais comment trouver les mots, que dire à quelqu’un qui part irrémédiablement ? Quelqu’un que ni l’amour ni la science ne pouvaient retenir ?
Abby s'interrogea sur le genre de vie qu'il avait eu avant de venir s'installer ici, s'il avait vécu dans la facilité, le confort, le luxe peut-être, puis elle se dit que quoi qu'il ait vécu, il évoluait à Eagle Bay comme s'il en avait toujours fait partie. Des vêtements simples, presque toujours les mêmes, une barbe épaisse, des cheveux un peu trop longs et un sens aiguisé de l'entraide. En somme, tout ce qui était une caricature presque parfaite des habitants de Wooden Wheel Cove.
Ici, tout ce qui n'était pas essentiel devenait superficiel.
-Savoir quoi?
-Que je ne regrette pas d'avoir été celle que j'ai été, mais que je regrette que tu en aies souffert.
Lorsque septembre arrivait, le vert profond de l'été entamait son grand sommeil.
L'humain dispose, prend et est incapable de se satisfaire de ce qu'il possède.
Et c'était parce que le lac était si peu accessible et fréquenté, que la vie y avait été si douce, que cet endroit étaitplus beau que n'importe quel autre.
L'étendue verdoyante de la forêt primitive de Tongass s'étirait à perte de vue et semblait prendre autant de place que les eaux métalliques de l'océan Pacifique Nord.
« Osez fabriquer des souvenirs qui vous feront pleurer autant qu’ils vous tiendront chaud. Ne regrettez rien, et quand votre mère sera partie, vous aurez la certitude que malgré une vie d’erreurs, elle se sera sentie choyée. »
Extrait de
Le dernier sommeil de l'ourse
Sophie Jomain