Celle qui nous parle est une vieille dame qui s'enregistre sur son Olumpus note Corder DP-20. Ce sont douze mois de paroles, d'émotions, de pensées, de souvenirs, de questionnements, d'amitié ou d'inimitié, d'interrogations, de vie. du 18 avril 2019 au 19 avril 2020. douze mois ponctués par une pandémie de COVID qui a séparé les familles et éloigné les proches de leurs parents âgés placés en maison de retraite, contre ou selon leur gré.
Maria Alberta Nunes Amado, Dona Alberti a décidé de quitter sa grande maison, trop vieille, trop fragile, c'est devenu trop difficile. Il faut dire qu'elle a fait une mauvaise chute, s'est cassé les poignets, et ne peux plus vivre seule chez elle. Elle a choisi de se replier dans une maison de retraite, la solution la plus raisonnable pour ne pas dépendre de sa fille, l'autrice
Lidia Jorge.
Des aides plus ou moins sympathiques, plus ou moins efficaces, s'occupent des pensionnaires.
Mais Dona Alberti a toute sa tête, et quelques obsessions, comme de connaître sur le bout des doigts les villes et capitales des pays qu'elle a parcouru inlassablement dans son atlas ou sur son globe terrestre. Et lorsqu'un manque à l'appel et que sa mémoire est défaillante, c'est la panique.
Dans cette maison de retraite, il est passionnant d'observer ses coreligionnaires. Femmes seules encore amoureuses à leur age, vieux monsieur encore fringuant, ceux qui rouspètent, ceux qui acquissent sans réfléchir, ceux qui décident de se révolter. Chaque jour apporte son lot d'étonnement, scénette drôle ou pathétique, dialogue ou dispute, éclat de voix ou sentiment caché, que la vieille dame décrit avec humour attention, subtilité, intérêt.
Les petits bonheurs simples, le repas qui est souvent mauvais mais parfois recèle quelque surprise, les relations entre les différents pensionnaires, les attitudes du personnel, parfois voleurs, souvent pressés, la maltraitance suggérée et parfois décrite, même s'ils sont aussi attentionnés, sympathiques, attachants.
La mort, omniprésente, la place vide dans le cercle restreint autour de la table dans la salle à manger, le nom d'un voisin que l'on efface vite de sa porte pour y mettre le suivant, celui qui s'écroule devant tout le monde, celle qui disparaît dans la nuit.
La nuit et ses ombres qui rôdent, qui annoncent la mort, cette ombre qui ne veut plus la quitter et dont elle sait qu'elle viendra la chercher, elle aussi, bientôt.
Enfin, en filigrane et cependant omniprésente ou largement décrite, la relation d'une mère et de sa fille, les questionnements, les reproches, les suggestions parfois cocasses, l'amour fou qui les unit, la douceur, leurs retrouvailles, leur entente malgré toutes leurs incompréhensions.
Quel roman, que d'émotions lors de cette lecture. C'est à la fois drôle, désespéré, humain, plein de malice et de compassion, de fatalisme et d'espoir, aussi lumineux que triste. Une lecture que je n'oublierai pas de sitôt tant ces réflexions sur la vie et la mort, sur l'amour d'une mère pour sa fille m'ont touchée.
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