Une naissance réjouit
D'avantage que la fin de vie
A "l'hôtel Paradis"
C'est l'exil pour le reste de sa vie
Car on le sait "avec le temps va, tout s'en va"
Et pourtant "
Misericordia"
C'est un livre sur la bataille de vie et la résistance à l'effacement.
C'est ce que j'ai ressenti et très vite j'ai compris que les fins de vie ne se résument pas à une lente déchéance, même en maison de retraite
Mais tant qu'on est en lien avec les autres, on est vivant !
Lydia Jorge dédie ce livre à sa mère qui lui a demandé d'écrire cette histoire. Elle nous relate la dernière année de sa vie.
Maria Alberta Nunes Amado a décidé de quitter sa grande maison, après une chute : elle ne peut plus vivre seule. Elle va terminer sa vie au sein d'une maison de retraite "l'hôtel Paradis" :
"Cette résidence est un parterre magnifique et les résidents nos pétales chéris".
A travers ce personnage principal, on plonge dans l'intimité des fragiles qui malgré leur faiblesse, gardent une grande capacité de résistance et leurs rêves !
"Etre en vie c'est me souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison."
Maria ne supporte plus la télévision ou les journaux
"Dans la vie, naturellement le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu'ajouter du mal au mal."
Elle possédait un atlas et connaissait tous les pays et capitales.
Parfois sa mémoire toussote et elle s'obstine à faire fonctionner son esprit. Elle veut garder une mémoire intacte.
Le jour la prépare à affronter la nuit.
Car la nuit, angoissante, elle dialogue avec la mort comme un adversaire qu'elle veut vaincre !
Maria est cultivée, intelligente, très digne, elle déteste la vulgarité.
Mais elle a aussi un caractère bien trempé ! un mélange de vitalité, d'humour, d'indignation et de bienveillance envers les autres.
"Je ne sais pas ou mettre mes pensées qui sont beaucoup trop vastes pour le vase de ma tête et la taille de mon coeur."
Sa relation avec sa fille écrivaine est compliquée. Elle veut la conseiller, voir la diriger, sur sa façon d'écrire ses livres. Elle lui reproche que ses livres ne parlent que de misérables anonymes et sa fille répond :
« Exactement, tu m'as ôté les mots de la bouche, je suis un chien de l'Histoire, je vis pour flairer ses mouvements, la dénoncer, la mordre, la trahir. Je ne suis pas de sa famille, je suis son adversaire.” »
Sa fille face aux reproches maternels prétend qu'écrire serait faire l'amour à l'univers.
« Dans l'amour, il n'y a pas d'échange, tout est offert »
Et dans cette maison de retraite, il existe des histoires d'amour et d'amitié belles et tragiques à la fois et chaque relation aussi ténue soit-elle se limite parfois à un regard, un parfum, un geste : le peu et le petit comme révélateur du merveilleux de la vie.
ces moments de grâce avec le chant, la musique la remplit de joie !
"La tendresse
C'est bien moins haut que votre paradis
C'est tout au fond du ventre enfoui
La tendresse ...
Il n'est pas question d'occulter la maltraitance, le turnover du personnel, mais aussi ceux qui sont attentionnés et dévoués, les vols
il n'existe plus de lieu inviolable :
« Et il n'y a plus rien qui ne soit qu'à moi, ni mon corps, ni mon esprit », constate-t-elle avec tristesse.
Elle constate que leur vie à tous n'a pas moins d'intérêt ou de richesse que la vie de n'importe qui et que leur présent n'est pas moins important que leur passé. C'est toute la poésie de ce récit, un mélange de larmes et de rire
C'est un discours de révolte mais aussi de dérision et d'espoir dans la vie.
« Je suis de ces personnes qui ne pensent pas que l'espoir est le dernier à mourir. Je pense que l'espoir est simplement immortel. ».
Une lecture que je n'oublierai pas !
Ce moment passé avec Maria m'a fait voyager dans mes souvenirs
et retrouver ma grand-mère : de belles émotions ! ...
La tendresse
C'est ce qu'on avait en naissant
Lorsque l'on était innocent
La tendresse
C'est tout ce qui nous reste encore
Pour faire un pied de nez à la mort
La tendresse .....
Henri Tachan