Penser dans le noir n'est pas l'idéal: on voit les choses plus grandes ou plus graves qu'elles ne le sont en réalité, les maladies sont plus nocives, la présence du mal plus proche, le désamour plus intense, la solitude plus profonde.
Mais j'étais seule, j'étais restée seule, il n'y avait plus personne entre ma mort et moi. Être orphelin, c'est comme ça : on a plus personne devant soi, on est seul dans la file. (Points, p.119)
Mais, en même temps, je pense que nous sommes mauvais juges du moment présent, sans doute parce que, en réalité, le présent n'existe pas : tout est mémoire, la phrase que je viens d'écrire est déjà un souvenir, de même que celle que vous, lecteur, venez de parcourir. (Points, p.24)
Maya a retiré ses lunettes et s'est pincé le nez à hauteur des yeux, le geste universel de ceux qui ne veulent pas pleurer. Je me suis demandé dans quelle partie de notre code génétique sont imprimés ces gestes communs à tous les peuples et à toutes les cultures ou presque.
On se présente : cette expression ne désigne pas le nom qu'on décline ni celui qu'on écoute en serrant une main ; il ne relève pas davantage du baiser sur une ou deux joues, ni d'un hochement de tête, mais des premières minutes où des informations inconsistantes, des généralités sans importance donnent à l'autre l'impression qu'il nous connaît, que nous ne sommes plus des étrangers. On dit sa nationalité, on parle de sa profession, de ce qu'on fait pour gagner sa vie, car notre activité est éloquente, elle nous définit et nous structure ; on évoque sa famille.
Peu importent les conneries qu'on fait; ce qu'il faut, c'est savoir les réparer. Même si le temps a passé, même si des années se sont écoulées, il n'est jamais trop tard pour réparer ce qu'on a brisé.
Les souvenirs fatiguent, personne ne nous apprend cela, se souvenir est une activité exténuante qui draine les énergies et sollicite les muscles.
Nul ne sait a quoi sert le souvenir, s’il s’agit d’un exercice profitable ou qui peut se révéler néfaste, ni en quoi l’évocation du passé peut changer ce que l’on a vécu.
Les décorations de Noël commençaient à envahir les rues : des guirlandes nordiques, des bâtons de sucre d'orge, des mots anglais et des flocons de neige faisaient leur apparition dans cette ville où il n'a jamais neigé et où décembre est précisément le mois le plus ensoleillé de l'année.
Il n'y a pas de manie mplus funeste ni de caprice plus dangereux que de spéculer ou de conjecturer sur les chemins qu'on n'a pas empruntés.