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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Magnifique roman choral qui nous plonge dans la vie et les affres des habitants d'une jolie petite résidence au sein de la grande ville de Mexico.

De la jeune Ana qui plante une milpa tout en faisant le deuil de sa petite soeur à Alfredo qui dompte une machine à écrire moderne pour retrouver son épouse, Laia Jufresa nous fait tournoyer d'une belle âme à l'autre avec une merveilleuse délicatesse.
Passant de chapitre en chapitre d'une année à l'autre et d'un personnage à l'autre, l'auteur nous perd pour mieux nous retrouver. Un vrai regal !

Aussi véritablement drôle que profondément triste, "Umami" se lit dans une étrange alternance entre rires francs et larmes sincères et de ce roman d'une grande intelligence, je garde quelques très belles reflexion sur la vie et l'humanité.

Définitivement un vrai coup de coeur!
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Un nouveau coup de coeur !
Comme je le disais tout juste hier : de jour en jour, je vais de coup de coeur en coup de coeur. Et à nouveau, on a ici un roman qui n'a pourtant rien à voir avec les deux précédents (en l'occurrence : « Alabama 1963 » de Ludovic Manchette et Christian Niemiec, et « Dans tes pas » de Jessi Kirby). Ici, par ailleurs, on n'a même pas vraiment d'histoire, c'est plutôt le récit du quotidien des différents habitants d'un petit lotissement au coeur de la ville de Mexico. Après le terrible et tristement célèbre tremblement de terre de 1985, le propriétaire du lieu, Alfonso Sementiel, a aménagé ce qui était autrefois une maison face à un champ avec une cloche au milieu, en ce lotissement de quelques maisons, qui sont réparties et nommées en fonction de l'emplacement théorique des différents goûts dans le palais, avec la cloche effondrée dont le sommet dépasse au milieu de la cour centrale.
Et on croise ainsi le quotidien de ces quelques familles, en plusieurs parties, et dans chacune de ces parties le quotidien est raconté par une voix différente façon roman choral, dans un ordre chronologique inverse, qui surprend bien un peu au début.

2004 – maisons acide et salée : les deux sont occupées par une famille de 4 enfants, l'une comme habituation, l'autre comme « atelier musical » pour désigner l'école de musique organisée par les parents, tous deux musiciens à l'Orchestre national de Mexico. Ana, la fille aînée, 12 ans à ce moment-là, s'exprime à la 1re personne du singulier. C'est l'intello de la famille, un peu trop boulotte à son goût, qui a décidé d'échapper cette année à la tradition des vacances chez sa grand-mère maternelle aux États-Unis (car, aussi bizarre que ça puisse paraître, sa mère est bien originaire de ce puissant et indécollable voisin, et immigrée au Mexique, détricotant ainsi toutes les images traditionnelles d'une émigration dans l'autre sens !) ; bref, Ana est restée à Mexico et s'est lancée dans la végétalisation de la cour centrale, avec notamment une milpa, ce type de culture combinée telle que déjà pratiquée par les Aztèques.

2003 – maison amère : la jeune Marina, vue par un narrateur omniscient mais vraiment très, très proche d'elle, est une artiste peintre en devenir. Elle a quitté sa famille, on ne comprend pas très bien si cette dernière était toxique ou si la jeune fille est quelque peu dérangée, mais clairement elle se cherche. L'une de ses obsessions est de renommer toutes les couleurs au plus juste, ce qui fait d'elle une poète bien davantage d'une peintre, avec des trouvailles absolument géniales soit dit en passant ! Je retiens par exemple le noiréctrique, c'est le noir des grandes villes illuminées (telle qu'on peut les voir la nuit, et c'est tellement ça !). Ou, plus piquant : le verdage, c'est la couleur du discours écologiste : le vert de chantage (n'oubliez pas qu'on est au Mexique, mais est-ce bien différent ailleurs ?).

2002 – maison umami : c'est Alfonso Sementiel, le propriétaire des lieux. Docteur en anthropologie, spécialiste des cultures indigènes précolombiennes (dont l'amarante, ou la fameuse culture en milpa), il a été mis en espèce de retraite anticipée à la mort de sa femme (qui était quant à elle docteure en cardiologie), et il apprivoise son veuvage à mesure qu'il apprivoise son tout nouvel ordinateur (on devine un portable dernier cri) sur lequel il écrit ce qui est à mi-chemin une ode à sa femme disparue qu'il a tant aimée malgré tous ses défauts, au point de s'y perdre lui-même parfois (ce passage où il explique que c'est lui qui cuisinait, dans le couple ! soulignant à quel point c'est insolite dans un pays aussi machiste que le Mexique, et ce n'est pas moi qui le dis, mais l'autrice, bien mexicaine !), et ses mémoires de plus en plus personnelles, qui finiraient presque à s'opposer à cette femme qu'une part de lui vénérera pourtant à jamais.

2001 – on quitte le lotissement, pour se retrouver auprès d'une autre habitante des maisons acide et salée, mais chez la grand-mère US : c'est la voix de Luz, la petite dernière de la famille, en vacances comme chaque été chez cette grand-mère très « seventies » qui laisse les enfants très libres dans sa propriété non loin d'un lac, ou qui consomme des champignons hallucinogènes au dessert… La voix de Luz est elle aussi rendue à la 1re personne du singulier, avec une imitation très réaliste mais jamais gnangnan du point de vue d'une jeune enfant de 5 ans, qui découvre peu à peu les différentes choses de la vie, au contact de ses aînés, de la nature, tout en gardant un pied dans les mondes enchantés qu'on lui raconte. Luz, quelques jours semble-t-il avant sa mort par noyade, alors qu'elle savait nager…

2000 – la dernière maison, la sucrée. C'est là que vit Pina, née quasi en même temps qu'Ana des maisons acide-salée, et bien entendu sa plus proche amie, au point de pouvoir rester côte à côte sans rien faire lorsqu'elles boudent l'une sur l'autre, avant de se réconcilier d'un simple mot. Pina est l'image presque caricaturale, mais tellement réaliste et touchante, de cette enfant – unique, qui plus est – qui voit ses parents en train de se déchirer jusqu'à la séparation sans retour et qui, sans trop comprendre si elle est « coupable » ou pas, se fait de plus en plus invisible, espérant ainsi retarder, voire effacer, ce qu'elle sait pourtant déjà inéluctable.



A travers ces quelques vies presque banales, il n'y a donc pas vraiment d'histoire extraordinaire ou haletante que l'on suivrait façon page-turner. C'est même « pire » : plus d'une fois je me suis retrouvée au bout de l'un ou l'autre chapitre et à reposer ma liseuse, pour intégrer ce que je venais de lire, et sans aucune envie d'aller plus loin tout de suite… mais ces pauses ne duraient jamais bien longtemps ! Car on a bien autre chose qu'un page-turner, j'ai envie de dire plus que ça : dans chacune de ces histoires, par un petit bout ou l'autre, on peut retrouver un quelconque proche, un voisin, un cousin, un ami, et certainement un bout ou l'autre de soi-même, car ces histoires traitent de sujets universels, tels que le deuil - que ce soit celui d'un adulte après la mort de son conjoint ou d'un enfant, celui d'un enfant après le départ définitif d'un parent ou d'une soeur, ou encore celui d'un adulte, ce deuil du ou des enfant.s qu'il n'a jamais eu.s ; mais aussi l'amitié, ou plutôt les amitiés – de celles qui perdurent à travers tout depuis l'enfance, de celles qui se défont à cause d'un malentendu, et de celles qui se créent, par exemple autour d'un intérêt commun pour la milpa.
Dans la foulée, l'autrice dénonce aussi quelques autres problèmes de société assez typique de la ville de Mexico ou du Mexique plus généralement, l'air de les effleurer à peine mais ils n'en sont pas moins présents : l'énorme pollution de la ville, que Pina décrit de façon tellement juste quand elle parle de « s'engouffrer sous la croûte » alors qu'elle revient vers la capitale après des vacances sous un ciel plus frais ; mais aussi ce syndrome très mexicain de n'oser ce définir qu'à travers les yeux des États-Unis – comme Alfonso, qui est présenté comme le premier scientifique mexicain à avoir introduit le concept d'umami au Mexique dès la fin des années 1970, sans doute le premier sur le continent américain, peu après sa découverte par un Japonais… mais sa thèse serait alors passée tout à fait inaperçue, avant que ce nouveau concept fasse le tour du monde par d'autres voix (oui, oui, avec un x : d'autres voix que la sienne !), soit reconnue aux US, et vienne alors seulement, vraiment percer au Mexique… Et ce ne sont là que quelques exemples, mais je ne vais pas raconter tout le livre, j'en ai déjà beaucoup dit !

L'umami, ce goût indéfinissable qui est venu s'ajouter récemment aux 4 classiques, dont j'avais déjà entendu parler sans trop savoir le définir, et s'il est bien expliqué ici, il n'en reste pas moins difficile à cerner ; cet umami, donc, se trouve essentiellement dans la langue de l'autrice. Elle est, à travers tout le roman, sans jamais faiblir, d'une délicatesse infinie, d'une justesse incroyable. Elle est travaillée, recherchée, très certainement poétique, sans jamais tomber dans les travers d'un académisme qu'on aurait pu redouter. Elle est légère et pétillante même dans les moments tristes, elle ne manque pas d'un certain humour aussi, mais alors un humour délicat (au risque de me répéter) qui ne fait pas hurler de rire sur le moment, mais qui laisse une impression persistante de petit bonheur simple.
Alors bien sûr, je suis bien consciente que ce livre est une traduction : eh bien, quel que soit le niveau de fidélité à l'original, je ne peux que dire un tout grand brave pour cette excellente traduction !
Et malgré cette qualité (ou peut-être à cause de ?), j'ai désormais bien envie de découvrir ce livre en version originale – d'une part pour voir si je suis encore capable de lire tout un livre en espagnol certes, mais d'autre part et surtout pour me délecter de ce petit bijou si savoureux !
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Marina vit dans la maison Amère, Pina et son père dans la maison Acide, la maison Sucrée est transformée en atelier musical, la maison Salée abrite Linda, Victor et leurs enfants, la maison Umami quant à elle est le lieu d'un deuil pesant où vivent Alfonso et ses Petites. Les vies de ces personnes atypiques se croisent et se lient, aussi insaisissables que l'umami, la cinquième saveur. C'est un roman mexicain qui m'a souvent donné le sentiment d'être au Japon, un petit moment de poésie, des fragments de vie devinés, des êtres qui se cherchent, l'âme de la petite Luz, poisson perdu au fond du lac rassemblant ces voisins autour de la milpa et de la Cour Cloche-en-Terre. Une très jolie lecture mais un petit regret cependant de m'être parfois perdue parmi les personnages qui ont de nombreux surnoms.
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Dans une petite résidence de cinq maisons, Luz avait une maman poisson, Noélia chérissait ses deux Petites, Pina devra passer son bac tandis que Marina pense souvent à son agréable père absent.
Un premier roman très abouti sur la gestion du deuil.
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