Parfois…
parfois
quand on est las
de marcher
que les champs de pierres
succèdent
aux champs de pierres
qu’il n’est plus de bornes
ni de critères
et que la ténèbre s’accentue
parfois
quand tout vacille
et se brouille
que l’on devient cet autre
que l’on ne peut rejoindre
qu’il faut poursuivre
encore
alors que s’est éteint
l’espoir de s’agenouiller
un jour près de la source
parfois
au fond de la douleur
et de la nuit
on aimerait tant
que s’achève le voyage
lenteur
silence
solitude
la vie affleure
afflue
le ruisselet enfle
devient fleuve
et le soleil du soir
fait flamber les eaux
centrée
et combien
grave
tes yeux ta faim
comme un puits
un gouffre
immergés
tous deux
au plus reculé
d'un silence
qui repousse
le monde
la calme
tension
de ton écoute
prends
prends
mes mots
donnons nous
du vivant
Une zone encore plongée dans la nuit …
une zone encore
plongée dans la nuit
mais qui s’éveille frémit
lance des appels
des concrétions
encore informes
s’attirent
s’articulent
donnent voix
à ce qui veut
monter vers le jour
le noyau
gagne en densité
s’entoure du cercle
qui l’aide
à prendre corps
la voix qui vagissait
se fait plus claire
plus forte
et le murmure
donne à entendre
ce qui aspire
à se formuler
la main transcrit
des mots tamisés
paisibles
où luit parfois
la douce lumière
de ce qui se vit
hors du temps
Une rumeur à peine audible …
une rumeur
à peine audible
mêlée à une poussée
un appel
elle hausse le ton
se précise
des mots étouffés
vite perdus
je me sonde
les cherche
tâtonne
au sein du silence
qui les a repris
ce qui voudrait
éclore
ne cesse de coaguler
se défaire
se recomposer
ne cesse de s’absenter
et de réapparaître
des mots plus vaillants
luttent s’imposent se nouent
donnent consistance
à ce qu’il leur faut
engendrer
la main entre en action
transcrit le poème
qui lui est dicté
que dit-il
Quand le feu t’éventre …
quand le feu
t’éventre
fait éclater
ton sous-sol
jette bas
tes murailles
quand des dalles
de granit
s’entrechoquent
dans ton sang
laisse couler
de tes lèvres
le poème
de pierre
où viendra
vivre
ton visage
crépiter
la flamme
se graver
l’irruption
chassé
livré à la nuit et la soif
alors il fut ce vagabond
qui essaie tous les chemins
franchit forêts déserts
et marécages
quête fiévreusement
le lieu où planter
ses racines
cet exilé
qui se parcourt et s'affronte
se fouille et s'affûte
emprunte à la femme
un peu de sa terre et sa lumière
ce banni que corrode
la détresse des routes vaines
mais qui parfois
aux confins de la transparence
hume l'air du pays natal
et soudain se fige
émerveillé
Tu griffes coupes tailles creuses
déchires cette peau de l’apparence
qui tient dans la nuit
ce que poursuit ta soif
et retirée cette peau
c’est toi-même
que tu trouves
sur toi-même
que tu opères
sans fin tu griffes coupes
tailles creuses incises perfores
t’appliques à minutieusement
anéantir ce fatras
qui t’encombrait
opacifiait ton œil
pour désobstruer
la source
agrandir l’espace
faire jaillir
la lumière.
Tel un aveugle…
tel un aveugle
mais ton choix
était le bon
sauf que tu n’as pas
eu à choisir
tu cheminais seul
et tu as cru longtemps
que tu t’étais fourvoyé
que tu faisais
fausse route
plus tard
tu as découvert
qu’en prenant
ce chemin
tu avais perdu
tes semblables
plus tard encore
tu les as rejoints
et vive a été ta joie
à retrouver ta place
parmi eux
jamais
ne s'interrompt
le flux
et nous glissons glissons
emportés par des eaux
lentes et noires
qui menacent
à tout instant
de nous engloutir
comment n'être pas
cet esquif qui dérive
ni ce rocher
que contourne le fleuve
abandonne-toi
laisse aller ta barque
au gré du courant
fais confiance
à ce qui t'emporte
et te berce