Au début, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire : il ne se passe pas grand chose, les 60 premières pages étant entièrement consacrées au quotidien sordide de Titouan et sa mère. Vu tout ce qu'elle lui fait subir, on se demande comment il peut tenir autant à elle. En même temps, on le sent constamment tiraillé entre amour et colère, résignation et révolte. Il faut dire que le jeune homme n'a jamais rien connu d'autre que cette vie chaotique et cette mère bipolaire.
Et puis l'action décolle avec le braquage de la pizzeria et surtout la rencontre avec Fleur. Les rencontres se succèdent, on sort du huis-clos mère-fils et l'intrigue évolue. Entre altercations (avec les parents de Fleur) et confidences (à Claude, l'homme du camping-car qui le sauve de sa crise de panique), Titouan se trouve confronté au monde réel et à ses règles, et mesure combien il y est inadapté : "Nous sommes libres et hors-la-loi. J'en éprouve une certaine satisfaction ainsi qu'un sentiment totalement dérisoire : notre existence est devenue aberrante". Pour autant, son opinion quant à la responsabilité de sa mère tergiverse constamment : un coup il l'excuse ("Ma mère n'a rien de flippant ! Elle est égarée, en souffrance, pleine de douleurs !"), un coup il reconnaît "qu'elle fait chier".
La tension et la folie atteignent leur paroxysme dans la maison d'enfance de celle-ci, où s'est autrefois déroulé un drame familial suscitant tour à tour silence pesant sur de sombres secrets enfouis, et règlements de compte hystériques. Plus le récit avance, plus les révélations et les rebondissements s'enchaînent, et plus son intensité va crescendo. Titouan devient lui-même de plus en plus instable au fur et à mesure que s'intensifie la confusion de sa mère. Il en résulte des scènes délirantes dans lesquelles Janis suscite chez le lecteur un mélange de pitié et d'agacement.
Au bout du compte, ces deux-là forment "un couple pathétique et effrayant" et il convient de souligner l'art du portrait psychologique de l'auteur, même si l'on peut trouver un côté oppressant à cette sombre d'histoire. Titouan y oppose constamment "la triste et froide réalité" au "monde décalé" de sa mère, appréhendant les différentes perspectives d'avenir qu'il entraperçoit comme autant de raisons de retourner s'y réfugier. Malgré tout c'est sur un avenir possible que le roman se termine.
Une lecture tragique et bouleversante.
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