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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Que la paix regne chez vous! Je vous salue respectueusement en ce nouveau jour qui eclot devant nos yeux ouverts! Vous avez bien dormi? Vous avez fait de beaux reves? Oh, pardonnez-moi, c'etait une facon de parler, sans aucune intention veritable!


Je sais bien que vous ne pouvez avoir reve; que vous ne revez jamais; que meme quand un reve viole votre honnete sommeil vous ne vous en souvenez pas; que vous n'avez donc rien a declarer aux agents du Sultan qui transcrivent les reves de tous les habitants de l'Empire et envoient de pleins cahiers a la capitale, au siege du Tabir Sarray, le Palais des Songes. Je sais, la ils sont tries par le personnel des bureaux de la Selection, pour finir entre les mains des proposes a l'Interpretation, ceux dont le difficile role est de choisir "le maitre-reve" ou "archireve" qui sera presente chaque semaine au Sultan.


Cette moisson de reves vous fait peur, je sais; mais pourquoi? Elle est destinee a mieux prevoir le futur et ainsi assurer de la securite a l'Empire et de la serenite a ses habitants. On nous l'a bien explique: "Le role de notre Palais des Reves, cree directement par les soins du Sultan regnant, consiste a classer et a examiner non pas les reves isoles de certains individus comme ceux qui jadis detenaient le monopole de la prediction par la lecture des signes divins, mais le Tabir total, autrement dit la totalite des songes de l'ensemble des citoyens, sans exception. C'est une entreprise grandiose, en regard de laquelle les oracles de Delphes, les castes de prophetes ou les magiciens d'antan paraissent derisoires". Vous n'y croyez pas? Vraiment pas? Alors pourquoi ce Tabir d'apres vous? Quoi? Simplement pour augmenter le pouvoir du Sultan et sa mainmise sur l'Empire et tous ses sujets? Que dites-vous? Que le Tabir est la possibilite de controler non seulement les faits et gestes des habitants de l'empire, mais aussi leurs pensees, leurs intentions les plus cachees, leurs desirs les plus refoules? Mais vous revez! Je m'en vais de ce pas vous denoncer aux autorites!


P. S. Si vous avez reussi a fuir a temps et si vous croyez avoir seme les sbires que les directeurs du Tabir ont envoye a votre poursuite, faites une pause, asseyez vous a l'ombre d'un arbre et prenez le livre de Kadare en main. Une atmosphere rappelant Kafka, une trame qui se meut dans les parages d'un realisme magique balkanique, epice et piquant, et surtout un message, cache sous un conte a dormir debout, mais clair, clarissime: une denonciation de tout autoritarisme, de tout ce qui devient a la longue totalitarisme, de tout systeme qui croit que s'il emplit les panses, il peut mettre en cage les pensees.




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L'ascension d'un jeune homme à travers les méandres bureaucratique d'un palais qui centralise et analyse les rêves de toutes la population pour essayer d'y lire les présages de l'avenir.
On est très proche de Kafka, avec une touche de poésie supplémentaire et quelque chose d'un peu plus oriental puisque l'action se situe dans une albanie ottomane.
A signaler : le gouvernement autoritaire d'Albanie a très mal reagi lors de la parution de ce livre qui dénonce la propension au contrôle des esprits du pouvoir.
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Dans une Albanie fantasmée, le héros Mark-Alem est embauché dans l'institution la plus puissante du pays : le palais des rêves. Ce palais a pour mission de récolter et d'analyser les rêves de leurs concitoyens afin d'essayer de prédire certains événements (coups d'état, trahison, etc).
En rentrant dans ce palais, nous sommes emmenés dans un monde kafkaïen bureaucratique.

Ce roman n'a pas été apprécié du régime dictatorial albanais lors de sa parution et on peut facilement comprendre pourquoi.
Le livre se lit facilement et nous emmène pour un voyage surprenant dans les Balkans.
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Quand la bureaucratie totalitaire se fait onirique, et les affaires de famille des enjeux d'État, le tout au coeur d'une Albanie perdue entre l'influence de l'Empire Ottoman et de l'Europe occidentale.
Un bien étrange mélange de contrastes et d'oxymores que voilà !
Et pourtant, on n'est jamais perdus. Ou plutôt si, mais on se lance en plein dans ce labyrinthe aux côtés du personnage principal, Mark-Alem. Pistonné par sa famille, les puissants Quprili, ce jeune diplômé obtient un poste au Tabir Serail : le Palais des rêves. Il découvre peu à peu le fonctionnement et les étrangetés de ce mystérieux organisme d'état qui a pour but de récolter les rêves des sujets, les trier, les analyser, et d'en extraire des Maîtres-rêves contenant des grandes prophéties. 
À mesure qu'il monte les échelons, Mark-Alem se métamorphose. le monde réel lui semble moins vif en contraste avec le monde si coloré des rêves, et le temps s'écoule différemment. Il ne comprend toujours pas à quoi sert ce qu'il fait, mais comme les autres le respectent et le craignent, il endosse le rôle pour ne pas perdre la face. Et c'est ainsi que tient chaque maillon de cette bureaucratie totalitaire.

L'ambiance est mystérieuse et pesante, tout en étant servie par un ton caustique. Comme Mark-Alem, on s'étonne de tout, on veut absolument en apprendre plus... mais on a aussi peur d'en apprendre trop.
La bureaucratie se ressent dans chaque recoin du Palais. Ses longs couloirs gris et froids alignent des rangées régulières et symétriques de portes sans numéro. Derrière celles-ci les employés s'acharnent sur des tâches fastidieuses dont ils sont incapables de percevoir la finalité. Tout le monde agit comme « un peu à côté », étranges et l'air absent...
Grâce ce genre de petits détails amoncelés, l'univers décrit est étonnamment tangible alors que l'on frôle sans cesse le registre absurde. En effet, cette organisation redoutable mobilise une telle foule, chargée de la surveillance de ce qui a tout juste l'air de n'être que du du vent, juste des rêves ! du non-sens auquel la bureaucratie insuffle du sens, et ce faisant à elle-même aussi.

On pourrait être tenté de croire que les rêves prédisent réellement l'avenir. On nous dit même que l'interprétation des rêves seraient aussi rigoureux que l'algèbre — soit disant, car on nous dit aussi que l'on fait ce que l'on veut tant qu'on use de créativité !

Mais prophétie ou pas, tout le palais donne surtout l'impression de n'être rien d'autre qu'une façade pour des machinations politiques. Aux intrigues du Sultan s'opposent celles de la famille Quprili, auxquelles viennent se greffer les ingérences du lobby du cuivre.
Cependant, cet aspect politique n'est pas très explicité, on a très peu de détails sur les complots qui se trament alors que j'aurais vraiment trouvé intéressant de creuser cet aspect du Palais et de son interaction avec l'extérieur.
En tout cas en interne, on se rend assez vite compte — mais déjà trop tard — que tous les coups sont permis : séquestration et coup de pression sur ceux qui ne rêvent pas comme il faut, la surveillance constante de chacun par chacun, les conséquences terribles d'une erreur ou d'un travail trop bien mené.

Enfin, c'est aussi une histoire de famille, et à travers elle, d'un pan de l'Albanie.
Les Quprili sont une famille ancienne, ayant compté maints vizirs, généraux et ministres depuis l'an 1666. Ils cultivent une culture familiale forte, avec des coutumes et la mémoire des faits historiques de leur famille. (Un passage m'a d'ailleurs beaucoup amusé, où lors d'un dîner de famille la moindre anecdote sur un lointain parent leur semble incroyablement plus intéressante que n'importe quoi d'autre.)
Cependant, ils ont dû quitté leurs terres albanaises pour s'établir à la capitale de l'Empire, siège du pouvoir. L'impérialisme apparaît alors au travers de ce territoire devenu simple province, de la langue imposée (Köprülü en orthographe ottomane), et de la mémoire interdite du passé national. Et cet impérialisme prétend pouvoir s'imposer jusqu'aux rêves.
J'ai trouvé toute cette partie sur la culture familiale des Quprili très intéressante, et plus largement toute cette question de l'identité nationale lorsqu'il n'y a pas ou plus de nation. Sans mon inculture de l'Histoire des Balkans, j'aurais sans doute repéré encore plus d'éléments intéressants, notamment des parallèles avec la réalité. Ce livre me motive à me guérir de cette inculture !

Ce fut donc une lecture agréable. Dépaysante de par son imprégnation par la culture albanaise, elle a toutefois d'un côté universel, ou en tout cas familier avec cette satire de la bureaucratie, des lobbys et des magouilles des gouvernants. J'ai beaucoup apprécié ce mélange bien dosée entre onirisme, dystopie et satire.
Je n'ai cependant pas compris en profondeur toutes les thématiques abordées. Je trouve surtout dommage qu'on ne soit jamais vraiment entré dans le coeur des complots politiques, sans quoi l'histoire aurait pu prendre une ampleur beaucoup plus importante. Mais cela n'avait pas l'air d'être la démarche voulue par l'auteur. À l'avenir, je me laisserais bien tenter par d'autres romans d'Ismaïl Kadaré, avec l'espoir d'y retrouver ce ton et ce genre d'univers si particuliers.
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Un palais de cauchemar plutôt où des fonctionnaires de l'Empire doivent trier, interpréter et déceler les songes annonciateurs de troubles pour l'Etat. Sous la forme d'un fable, dans une atmosphère kafkaïenne, Kadaré dénonce une bureaucratie incompréhensible et un pouvoir inquisiteur et arbitraire.
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Lorsque Mark-Alem, descendant d'une puissante famille, intègre le Tabir Sarrail, il est loin de se douter de l'importance de cet organe du pouvoir où les rêves des gens sont analysés afin de déterminer les dangers qui menacent le pays et le sultan.
Un roman assez court, dans lequel il ne se passe pas grand chose en terme d'événements proprement dits, mais qui ouvre à des réflexions sur des thèmes tels que le pouvoir, la bureaucratie, la dictature et comment de manière insidieuse, l'habitant lambda en vient à participer à la main-mise des gouvernements ...
J'ai beaucoup aimé ce roman, qui par certains aspects fait penser à Kafka, même si je pense qu'il y a encore des éléments du roman dont je n'ai pas complètement saisi la portée .
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L'idée du roman est grande à la base pour décrire un côté de la dictature des Ottomans qui n'ont rien fait dans les territoires occupés qu'amasser des impôts et surveiller les autochtones, mais je ne suis pas adepte de ce style d'écriture. Rien d'original, une narration plate qui devient soporifique à la longue.
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