Je sens par trop les limites de mes possibilités qui, si je ne suis pas absolument saisi par l’inspiration, sont sans aucun doute fort étroites. Et je crois même n’être entraîné par l’inspiration que dans ces étroites limites [...]. Malgré tout, elles m’offrent assez d’espace pour vivre, il est donc probable que je les exploiterai jusqu’à la bassesse
30 août 1914
Je m’élance sans relâche au sommet de la montagne, mais c’est à peine si je peux m’y tenir un instant
6 août 1914
Considéré du point de vue de la littérature, mon destin est très simple. Mes dispositions pour décrire ma vie intérieure, qui a quelque chose d’onirique, ont fait tomber tout le reste dans l’accessoire, et tout le reste s’est affreusement rabougri, ne cesse de se rabougrir. Rien d’autre ne pourra jamais me satisfaire
On peut parfaitement discerner en moi une concentration au profit de la littérature. Quand il fut devenu évident dans mon organisme que l’orientation de ma nature vers la création littéraire était la plus productive, tout se pressa dans ce sens [...]. J’ai maigri de tous ces côtés. C’était nécessaire, parce que mes forces étaient si minces au total qu’elles ne pouvaient servir tant bien que mal à mon but littéraire qu’à condition d’être rassemblées
« Le soir et le matin, la conscience de mes facultés créatrices est immense ».
Dans une autobiographie, il est inévitable que l’on mette souvent « parfois » là où « une fois » serait conforme à la vérité.
Je n’ai pas trouvé que ce que j’ai écrit jusqu’ici soit particulièrement précieux, ni que cela mérite non plus carrément d’être mis au rebut.
Un peu feuilleté le Journal. Eu une espèce d’intuition de l’organisation d’une telle vie.
La question du journal intime est en même temps une question de totalité, il contient toutes les impossibilités du tout. Il est impossible de tout dire et il est impossible de ne pas tout dire.
Il y a environ une semaine, j’ai donné tous mes carnets à M[ilena]. Suis-je un peu plus libre ? Non. Serai-je encore capable de tenir une sorte de Journal ? [...] Je suis une mémoire devenue vivante.