L'impératrice Élisabeth d'Autriche, reine de Hongrie, n'était pas la seule personnalité remarquable des huit enfants parvenus à l'âge adulte du duc Maximilien en Bavière et de son épouse Ludovica.
Son frère aîné, Louis, avait renoncé au duché en Bavière pour épouser la femme qu'il aimait, en des temps où cela se pratiquait peu.
Son second frère, Charles Théodore, avait quitté l'armée pour faire des études de médecine et devenir un ophtalmologiste réputé.
Ses parents, enfin, sa mère surtout, avaient profité des noces très flatteuses de leur deuxième fille avec l'empereur François-Joseph d'Autriche-Hongrie pour marier avantageusement ses quatre soeurs (il va sans dire que les termes "très flatteuses" et "avantageusement" se réfèrent à ce qu'en pensait l'aristocratie européenne à l'époque).
C'est ainsi que sa cadette Marie Sophie Amélie épousa François II de Bourbon, éphémère roi des Deux Siciles bientôt balayé par Garibaldi et, surtout, par son cousin
Victor-Emmanuel duc de Savoie, roi de Sardaigne, prince du Piemont et comte de Nice...
Un caractère, Marie des Deux Siciles, et il en fallait pour assumer cette couronne qui lui tombe sur la tête à dix-huit ans, quatre mois après son mariage avec un duc de Calabre falot et confit en dévotion, et l'invasion du royaume des Deux Siciles l'année suivante par les chemises rouges de Garibaldi.
C'est pratiquement à elle seule qu'elle anima la résistance de l'armée du royaume, repliée à Gaète de septembre 1860 à février 1861.
Elle en devint le symbole.
Mais après ces coups d'éclat, c'est l'exil à Rome, sous la protection du pape
Pie IX, l'ennui, un certain inconfort aussi puisque toutes les possessions italiennes des Bourbon- Siciles ont été confisquées par
Victor-Emmanuel qui s'est fait proclamer roi de Naples par un plébiscite truqué, avant d'intégrer le royaume des Deux Siciles au nouveau royaume d'Italie en mars 1861.
La très jeune femme, que sa soeur Mathilde a rejoint à Rome après avoir épousé son beau-frère le comte de Trani, cherche des distractions. Elle aime aller au bal et y danser jusqu'à plus de minuit, monter à cheval et galoper des heures, être reçue comme une héroïne et saluée comme une reine qu'elle n'est plus.
Les deux soeurs font scandale par leur mode de vie et leurs façons d'être, qui remontent jusqu'aux oreilles ducales et impériales.
Trop tard, Marie est tombée très amoureuse d'un zouave pontifical, elle est enceinte, elle accouche dans le plus grand secret.
Il faudra toute la force de persuasion d'un de ses frères et de son impériale soeur qui, quoi qu'on en dise, cragnait beaucoup le scandale, pour convaincre Marie de retourner aux côtés de François de Bourbon-Siciles, dans une vie d'exil qui la mènera de Rome en Autriche, en Suisse puis en France, à Paris et dans ses environs.
Le secret de la reine soldat, c'est cette enfant, une petite fille surnommée Daisy confiée à son père, Emmanuel de Lavaÿsse puis à la famille de celui-ci après son décès en 1868.
Lorraine Kaltenbach, arrière-arrière-petite-cousine du zouvae pontifical, a remué la poussière sous laquelle dormaient les archives de sa famille pour y retrouver les traces de cette fillette, élevée dans la discrétion et décédée très jeune de la tuberculose qui avait emporté son père.
Ce faisant, l'auteur nous entraîne sur les pas de l'impétueuse Marie des Deux Siciles dans un ouvrage très documenté et bien écrit, et nous fait découvrir une autre personnalité attachante de cette famille Wittelsbach qui n'en manque pas.
Triste vie que celle de Marie, faite de renoncements et de deuils, mais qu'elle assumera avec une élégance que
Marcel Proust décrira avec délices dans sa Recherche.
C'est un livre intéressant qui se lit d'une traite, et qui peut apprendre bien des choses à qui ne s'est pas encore penché sur les Wittelsbach, Habsbourg et consorts.
Pour ma part, étant tombée dedans quand j'étais petite, c'est avec plaisir que j'ai lu cette évocation de Marie et de Mathilde (la petite Spatz, surnom que lui avait donné sa famille et qui signifie "moineau"), disparues toutes deux en 1925 à cinq mois d'intervalle après avoir perdu tous leurs frères et soeurs et une bonne partie de leurs neveux et nièces.
Et c'est avec intérêt que j'ai suivi les recherches de
Lorraine Kaltenbach, pour retrouver cette petite Daisy, dont l'arrière-grand-mère de l'auteur avait fait perdurer l'émouvant souvenir au sein de sa famille.
Merci beaucoup à NetGalleyFrance, à
Lorraine Kaltenbach et aux Editions du Rocher pour ce partage.