Alors pour qui, pour quoi les avait-elle achetées ? Pour la femme qu'elle aurait aimé être, pour une vie qu'elle n'avait pas, une vie "rêvée" se déroulant ailleurs, dans le scénario mental où elle se mettait elle-même en scène ? Ou pour correspondre à une image acceptable, pour se travestir en une autre, ou parce que, pendant le demi-siècle où elle n'a plus tourné, elle continuait de s'appréhender comme une actrice, avec à sa disposition la réplique maladroite du département costumes de la MGM ?
Chaque vêtement acheté m'offrait un rôle rêvé au cœur d'une vie que je n'avais pas.
« Le bonheur ? », me disait-elle, « C’est d’avoir un livre, du café et des cigarettes. »
Si une garde-robe témoignait, alors celle de Garbo disait la droiture, la constance, une intransigeance de chaque instant.
Elle était murée dans une citadelle imprenable, une citadelle de vêtements
Elle (Greta Garbo) vécut dans l'ombre pour se soustraire à l'obligation des masques.
Je suis devenue, par les vêtements, le produit de synthèse des désirs de tous les hommes que j'ai aimés.
L'époque avait engendré trois phénomènes qui fonctionnaient ensemble : le clonage, la mode à échelle industrielle, le spectacle qui envahit tout.
La où je suis définie, c'est dans les films, là où je ne suis pas définie, c'est dans la vie. Alors dès qu'il s'agit de l'être, c'est plutôt source d'interrogation que de satisfaction.
Alors, elle avait amassé des robes, et encore plus de robes, et des manteaux, des tailleurs, des souliers dans toutes les teintes, tous les camaïeux, pour ne pas se retrouver démunie selon le moment, l'heure et le jour, selon les aléas du scénario qu'allait lui imposer le réel.